J'aurais imaginé un ciel gris, plus triste que jamais, de lourds nuages, le lointain grondement du tonnerre et une pluie molle et glacée. Au lieu de ça, la voûte céleste était claire et le soleil réchauffait l'air de quelques timides rayons, comme pour se moquer de moi.
A l'hôpital, une infirmière m'avait fait connaître le cimetière dans lequel ma mère avait été enterrée quelques jours après sa mort. J'avais sur le moment barricadé cette information dans un coin de ma tête, ne pouvant me résoudre à aller constater de moi-même que ma mère se trouvait sous terre.
C'était samedi, le jour de congé de Louise et non pas le mien. Mais M. et Mme Apollinaire s'étaient absentés toute la journée pour une sortie au restaurant, au théâtre, et je ne savais pas exactement où encore. En comprenant que j'allais être seule avec Junior pendant plusieurs heures, même s'il ne m'accordait pas la moindre attention, j'avais préféré sortir. J'avais prétexté des courses à faire et une fois que j'avais eu acheté tout ce qu'il me fallait, je n'avais pu me résoudre à rentrer tout de suite.
J'avais donc marché d'un pas langoureux jusqu'à cet endroit maudit, même si toute mon âme me hurlait de faire demi-tour et de ne plus jamais m'en approcher.
J'aurais également imaginé une grande grille noire et froide, qui grincerait en s'ouvrant. J'aurais imaginé un immense lieu désert, lugubrement silencieux, où les pierres tombales sentiraient le fantôme. Au lieu de ça, c'était l'endroit le plus banal qu'il m'ait jamais été donné de voir, avec une entrée normale et des allées gravillonnées qui crissaient sous les pas. Quelques personnes erraient en chuchotant. Les tombes étaient simples et régulières, avec des fleurs souvent fanées. Je dus lire les noms sur chacune pour reconnaître celle de ma mère.
Elle se trouvait à l'extrémité d'une rangée, encore plus petite et plus sobre que toutes les autres. Son nom était inscrit dans la pierre et un petit bouquet de pensées était posé devant. Je m'accroupis. A côté des fleurs se trouvait, sous un caillou pour éviter qu'elle s'envole, une petite photo de ma mère. Je la pris sans pouvoir me retenir de trembler. Elle souriait sans s'esclaffer, ses cheveux brillaient, elle regardait l'objectif d'un air timide. L'image avait commencé à se décolorer à cause de la pluie, mais elle était toujours aussi belle.
Ma main effleura la pierre froide, et il me parut étrange que cette femme pleine de vie puisse à présent se retrouver là-dessous, figée. Un sentiment de culpabilité me pinça le cœur lorsque je songeai qu'elle était seule ici, au milieu d'inconnus rongés par les vers. J'avais toujours trouvé cela bizarre d'enterrer les gens. C'était comme les emprisonner sous terre. Mais comme aucun de mes parents n'avait jamais émis de souhait sur ce qu'ils voulaient après la mort, je supposais que mes sœurs avaient pris cette décision parce que c'était le plus simple. Je regrettais de ne pas avoir été présente le jour de l'enterrement. Avec Pierrick en prison et mon père nulle-part, Audrey et Amélie avaient dû se retrouver seules. Ou peut-être avec le copain d'Amélie et quelques amis. Je n'étais pas contente qu'elles ne m'aient pas prévenues, mais comment auraient-elles pu me retrouver ? S'il y avait une personne à blâmer, c'était moi. Je devrais leur donner des nouvelles, leur dire où je travaillais. Mais c'était un peu tard maintenant. De toute façon, je n'aurais probablement pas supporté de voir des gens descendre le cercueil dans le trou.
Je soupirai en songeant que je ne pouvais plus rien faire. Tout ce qu'il me restait, c'était son souvenir, et je ne pouvais rien faire d'autre que penser à elle, ce que je faisais déjà suffisamment depuis des jours.
Je sortis mon carnet de ma poche pour écrire un petit mot. Un long éloge m'aurait probablement apaisée, mais je n'étais pas en état d'écrire un roman. Mon crayon gratta quelques mots sur le papier.
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Silence
Ficción General[J'ai écrit ce roman quand j'avais 15 ans, aujourd'hui je n'en suis plus du tout fière, mais j'ai décidé de le laisser sur Wattpad pour le souvenir. Bonne lecture quand même !] Semaines après semaines, le même évènement se répète. Une liste de dix n...