Chapitre 9

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Je fus réveillée par le bruit de l'agitation autour de moi. J'ouvris difficilement les yeux et jetai un regard à ma montre. Il était un peu moins de huit heures. Je m'extirpai péniblement de mon sac de couchage sous les yeux amusés ou moqueurs des garçons qui se trouvaient dans la pièce. J'avais dormi toute habillée, alors que plusieurs d'entre eux étaient torse-nu, voire en caleçon. Mes paupières lourdes de sommeil m'empêchaient de les regarder trop bizarrement.

Je me rendis en traînant des pieds jusqu'à la salle de bain, où je ne pus que me débarbouiller au robinet car un garçon occupait la douche. Le rideau était tiré, mais je pouvais deviner sa silhouette au travers. Bien sûr, aucun des adolescents n'était gêné par ce manque de pudeur, mais je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir embarrassée. Il ne fallait surtout pas qu'ils s'aperçoivent que je rougissais.

Je me rendis ensuite dans la cuisine, où un garçon m'adressa un regard noir quand je me servis dans les placards.

— Ici, on bosse tous dur, me dit-il, alors si tu ne rapportes pas d'argent, ne compte pas sur nous pour te nourrir.

J'opinai du chef et me contentai d'une tranche de pain. Il avait raison, il faudrait vite que je travaille pour ne plus dépendre d'eux.

Lorsque je regagnai le salon, de nouveaux arrivants étaient venus combler le peu de place qu'il restait. M. Scott était également là, faisant une sorte de compte-rendu auprès de ses employés. Quand il m'aperçut, une question muette apparut sur son visage.

— Il a parfaitement réussi la mission qu'on lui avait confiée, lança un garçon qui était présent la veille au soir. On est OK pour que vous l'embauchiez.

M. Scott hocha lentement la tête puis fit un pas vers moi.

— C'est d'accord, dit-il en me serrant la main si fort que je crus qu'il allait m'arracher le bras. Tu bosses pour moi à présent.

Je lui répondis par un sourire intimidé.

— C'est quand même gênant qu'il ne puisse pas parler, non ? demanda un garçon un peu plus loin.

— Bah, fit M. Scott, au pire, il n'aura qu'à mendier.

Puis, me tenant toujours la main, il me tira vivement vers lui en se penchant pour placer son visage à quelques centimètres du mien.

— De toute façon, quand je ne suis pas satisfait d'un de mes employés, je m'en occupe très vite, murmura-t-il entre ses dents avec un regard qui me glaça sur place.

Lorsqu'il me lâcha, je titubai légèrement en m'empressant de reculer. Cet homme savait se montrer extrêmement persuasif en quelques mots à peine. Son changement soudain d'attitude me terrifiait.

— Il me faut au moins un volontaire pour s'occuper de lui dans les jours qui suivent et lui apprendre le boulot, lança M. Scott en balayant la salle du regard.

Tous reculèrent d'un pas en feintant l'indifférence. Ils n'avaient pas envie de devoir traîner un boulet derrière eux. Je me sentis rougir et baissai honteusement les yeux, fixant la pointe de mes pieds qui se tortillaient maladroitement. Une fois de plus, je me demandais ce que je faisais là.

— Ah non, pas question, lâcha une voix derrière moi.

Je levai les yeux pour m'apercevoir que M. Scott fixait avec insistance quelqu'un dans mon dos. En me retournant, je découvris le visage de l'interpelé, celui qui avait parlé. C'était le noir, toujours le même. Il était adossé au mur, à moitié avachi, les bras croisés, l'air blasé. Comme tout le monde se tournait vers lui, il continua.

— Je ne m'occuperai pas de lui, trouvez quelqu'un d'autre. J'ai autre chose à faire que de lui servir de maman.

Il ne parlait pas particulièrement fort, ni de façon agressive, mais son ton était irrévocable. Presque autant que lorsque M. Scott lui répondit.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant