Chapitre 11

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Nous retrouvâmes Jack et Maxime après avoir quitté les Assoiffés, sous le même pont où nous avions passé la nuit précédente. Nous eûmes droit à une réprimande sévère pour nous être éclipsés sans rien dire, mais j'avais surtout l'impression que Jack passait sa colère sur nous après s'être fait humilier par Maxime. Les deux garçons étaient assez amochés.

Charlie ne passa pas la nuit avec nous. Je ne le revis qu'au petit matin, alors que j'étais si frigorifiée que j'avais l'impression de m'être changée en statue de glace. Le manque d'hygiène commençait à se faire sentir. J'aurais donné n'importe quoi pour une douche bien chaude, pour faire mousser du savon sur tout mon corps et me laver longuement les cheveux, aussi courts fussent-ils.

— Alors, tu viens ? me lança Charlie en commençant déjà à partir sans m'avoir rien expliqué.

Je le suivis en catastrophe, abandonnant Al à Jack et Maxime.

Charlie m'apprit de nouvelles techniques de vol. Je commençais tout doucement à prendre le coup de main, mais je n'étais vraiment pas douée. A chaque gaffe de ma part, il me réprimandait comme un enfant, et j'avais vraiment l'impression d'être un boulet pour lui.

Nous choisissions une rue bondée et marchions à quelques pas l'un de l'autre. L'un de nous deux bousculait un passant et l'autre en profitait pour lui faire les poches pendant qu'il ne faisait pas attention. Le problème était que lorsque c'était moi qui rentrais dans quelqu'un, je ne pouvais pas m'excuser pour attirer son attention plus longtemps, et je n'étais pas non plus suffisamment à l'aise pour voler. Nous alternions donc les rôles, sans qu'aucun des deux ne me convienne vraiment. Je sentais que cela irritait Charlie, mais que pouvais-je faire de mieux ? Je m'appliquais déjà autant que possible.

En fin de matinée, sans nous accorder de pause déjeuner, Charlie me fit subir un entraînement différent. Il fallait être capable d'échapper à la police en cas de poursuite, comme cela nous était arrivé avec Jack et les autres la veille. Pour seule consigne, il me demanda de le suivre, et il se mit à courir. Il était grand et baraqué, je n'étais évidemment pas capable d'aller à la même vitesse que lui. Il traversa une rue à toute allure, sauta une barrière et gravit les marches d'un petit escalier quatre par quatre. Je dus partir en sprint pour ne pas me laisser distancer. Il continua son parcours sans m'accorder un regard, empruntant des passages toujours plus difficiles. Il courut sur un mur de quelques centimètres de large à peine, bondit sur un second plusieurs mètres au-dessus du sol, sauta de l'autre côté, se ramassa dans une roulade et se releva dans le même mouvement pour continuer sa course. Je n'arrivais pas à la suivre. Quand il sautait, je devais grimper, quand il roulait, je trébuchais. Il escalada une façade dans une rue déserte, se retrouva sur le toit et disparut de l'autre côté. Je l'imitai comme je pouvais, même si je savais que je risquais de me blesser gravement.

Je le vis sauter un mur particulièrement haut, en prenant un appui avec sa main et en basculant ses jambes par-dessus dans un bond prodigieux. S'il avait eu besoin de prendre une impulsion énorme pour pouvoir sauter à cette hauteur, je ne savais pas s'il était seulement envisageable que moi, qui mesurais au moins vingt centimètres de moins que lui, je parvienne à passer par-dessus. De loin, je cherchai vainement des prises pour pouvoir escalader le mur, mais il était parfaitement lisse. Je ne voyais pas d'autre endroit où passer. De toute façon, je courais si vite que je n'eus pas le temps de réfléchir. Je n'avais plus le choix.

Je pris tout l'élan dont j'étais capable et sautai aussi haut que mes jambes me le permettaient. Mes mains agrippèrent le haut du mur et je tentai de faire passer mes jambes par-dessus en les jetant sur le côté. Je sentis mon pied percuter la façade, légèrement trop bas. Je basculai en avant, perdant totalement le peu d'équilibre que je possédais, et m'écroulai la tête la première sur les pavés, de l'autre côté du mur.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant