Le week-end arriva à grands pas. Louise et moi étions censées nous mettre d'accord pour avoir chacune un jour de congé, mais comme nous étions fâchées, elle prit son samedi sans même me demander si cela me convenait. Cela me faisait un peu bizarre de me retrouver seule pour toutes les tâches ménagères, mais je savais que Mme Apollinaire serait là pour me donner des ordres si je me retrouvais désœuvrée, et je n'avais aucune envie de négocier avec Louise.
Le samedi matin, je me fis donc une liste de choses à faire, qui devrait m'occuper toute la journée. Louise avait prévu au menu quelque chose de très simple pour être sûre que je puisse le cuisiner seule. Je n'avais qu'à éplucher et découper des légumes, et les faire cuire ainsi que la viande en suivant une recette précise. Elle avait également acheté un dessert.
J'étais occupée à mon ménage quand M. Apollinaire pénétra dans la buanderie pour me parler. Je fus surprise, il ne m'avait presque pas adressé la parole depuis mon arrivée.
— Alors dis-moi, Eris, ton nouveau métier te plaît-il ?
Je sortis ma petite tablette de la poche de mon tablier pour lui répondre.
— Oui, je me sens très bien ici, fis-je dire à la voix robot. Vous êtes tous très gentils avec moi.
— Tu as été couturière, avant, c'est bien ça ? reprit M. Apollinaire. Mais tu es allée à l'école avant ?
Je répondis oui aux deux questions, sans trop savoir où il souhaitait en venir avec son petit interrogatoire.
M. Apollinaire s'assit sur une chaise en se frottant le menton. Il semblait pensif.
— Il y a quelques mois, dit-il finalement, nous avions une autre femme de ménage, mais elle tenait également un autre rôle. Tu as dû remarquer que je travaillais souvent le soir, et tu ne vas pas tarder à découvrir que je passe également beaucoup de temps dans mon bureau le week-end. Elle me tenait lieu de secrétaire, ou d'assistante en quelque sorte. Elle pouvait imprimer ou relier des dossiers pour moi, surveiller et trier mes mails... Des choses bêtes mais dont j'ai réellement besoin.
Je l'écoutais avec toute mon attention, mais je ne voyais vraiment pas ce qu'il voulait me dire. Pourquoi m'avoir embauchée moi, s'il cherchait une secrétaire ?
— Il me faudrait de nouveau une personne qui puisse exercer ce travail, mais il n'occupe pas assez pour combler un métier à temps plein. Il faut que la personne qui s'en charge soit également une domestique dans la maison. Et il n'est pas facile de trouver quelqu'un pour un tel poste. J'ai songé à donner ce travail à Louise, mais elle n'est pas suffisamment instruite. Alors j'ai décidé d'attendre un peu de voir comment tu t'en sortais à la maison avant de te faire cette proposition.
Moi, l'assistante d'un juge ? C'était ridicule, je ne connaissais absolument rien au droit, je n'avais aucune expérience, j'avais quitté l'école très tôt, j'étais bien trop jeune... Une foule de pensées se bouscula dans ma tête. Mon patron me scrutait comme s'il attendait que ma réponse apparaisse sur mon visage.
— Je ne sais pas si tu en seras capable, continua-t-il, mais tu m'as l'air plutôt dégourdie et tu sais parfaitement lire et écrire. Tu possèdes certaines qualités qui m'intéressent. Tu peux essayer pendant quelques temps, et si cela ne fonctionne pas, je trouverai quelqu'un d'autre. Bien sûr, le salaire sera en conséquence.
J'essayai de ne pas trop montrer à quel point j'étais perplexe. Il me proposait un travail qui requérait des capacités intellectuelles alors que je n'étais qu'une domestique, et il allait en plus augmenter mon salaire ?
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Silence
General Fiction[J'ai écrit ce roman quand j'avais 15 ans, aujourd'hui je n'en suis plus du tout fière, mais j'ai décidé de le laisser sur Wattpad pour le souvenir. Bonne lecture quand même !] Semaines après semaines, le même évènement se répète. Une liste de dix n...