Chapitre 27

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— Tu ne peux pas y aller !

« Pourquoi ? C'est la seule chance que j'ai de revoir mon père ! S'il est en France en ce moment, je ne pourrai le trouver qu'à un endroit : chez moi ! »

— C'est dangereux ! répliqua Charlie. Si des chasseurs de primes ont fait suffisamment de recherches sur toi, ils connaissent l'adresse de ton ancien appartement, savent que tu as un père à la guerre et ils ne tarderont pas à faire le lien !

Je croisai les bras et pris mon air le plus autoritaire possible, qui paraissait gentil à côté de celui de Charlie.

« Je m'en fiche, je veux retrouver mon père. On dirait que tes parents à toi ne te manquent jamais ! Tu n'as pas de cœur ! »

Je lus dans ses yeux que j'étais allée trop loin.

— Mes parents m'ont laissé me débrouiller sur un autre continent, soi-disant pour me protéger alors que j'ai couru des risques énormes en arrivant en France. Pour moi, je n'ai pas de parents, et c'est tant mieux comme ça.

« Mais tu ne m'empêcheras pas de retrouver le mien. Si tu es si inquiet, tu n'as qu'à venir avec moi et faire le héros avec ton flingue ! »

— Tu me vois réellement dans une réunion de famille ? Moi, l'assassin noir ? Je te rappelle que je suis originaire d'un peuple qu'une partie de ceux qui sont rentrés hier ont essayé d'exterminer ! Tous les soldats me voient comme un ennemi, je n'ai pas franchement intérêt à les approcher de trop près. Et de toute façon, si les chasseurs de primes se pointent à plusieurs, je ne suffirai pas pour les empêcher de te tuer.

Je m'appuyai contre le mur en soupirant. Nous avions trouvé un endroit discret où dormir, tard la veille, dans une ruelle, cachés derrière un bâtiment qui ne payait pas de mine. Je n'avais presque pas pu fermer l'œil de la nuit, et à peine les premiers rayons du soleil apparus, j'avais fait part à Charlie de ma décision de me rendre à mon ancien appartement dans l'espoir d'y trouver mon père. Je m'étais attendue à ce que le jeune homme se fasse du souci, mais pas à ce qu'il soit si dur à convaincre.

« Tu ne comprends pas. Il ne s'agit pas que de retrouver mon père, je m'étais presque faite à l'idée que je ne le reverrais plus jamais. Mais ne pas savoir ce qui lui est arrivé, ni même s'il est encore vivant me ronge depuis des mois ! Chaque fois que je pense à lui, je me demande s'il pense à moi lui aussi, ou s'il est mort ! Je ne peux pas vivre toute ma vie dans l'ignorance, avec ce poids qui m'écrase... »

— Tu auras d'autres occasions de le retrouver, les choses vont être agitées pendant quelques temps et tout finira par se calmer. A ce moment-là, tu auras tout ton temps pour le chercher. Pour l'instant, je ne te laisserai pas partir.

Il était encore plus décidé que moi. Je compris que mes arguments, aussi forts fussent-ils, ne le feraient pas changer d'avis. J'allais devoir opter pour la ruse.

« Tu crois vraiment que je le retrouverai ? » fis-je, faussement penaude.

— C'est sûr, plus facilement que tu le croies. Il te cherchera lui aussi, et puis il y a tes frères et sœurs pour faire le lien.

Je fis mine de réfléchir, puis pris un air assez triste.

« De toute façon, tu ne me laisseras jamais partir, non ? Je crois que je n'ai pas trop le choix. »

Il hocha la tête en me toisant d'un regard étrange. J'eus un long soupir de dépit puis m'assis sur le goudron.

« D'accord, j'attendrai que tout soit plus tranquille pour y aller. »

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant