Chapitre 28

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Quand je rentrai à la cachette où nous avions passé la nuit précédente, Charlie était déjà là. Il m'attendait, les bras croisés, et je soupirai en m'attendant à une remontrance.

— Alors ? fit-il du ton le plus neutre possible.

Je ne m'attendais pas à ça. J'avais espéré qu'il ne serait pas encore rentré, et que je n'aurais rien à lui raconter.

« Il est mort. »

Il ne répondit rien. Je vins m'asseoir contre le mur, fatiguée.

« Donc tu n'es pas fâché que j'y sois allée malgré ce que tu m'avais dit ? » demandai-je au bout d'un moment, trop curieuse pour me taire.

— Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? lâcha-t-il. Je ne peux pas te retenir ligotée ici. C'est à toi de me faire suffisamment confiance pour me suivre. Je t'ai donné mon avis, tu n'en as fait qu'à ta tête... Tant que tu es vivante, tu fais ce que tu veux.

Je ne répondis rien, même si j'étais surprise. Charlie se montrait toujours autoritaire, et ce jour-là, il se souciait bien peu que je lui aie désobéi. Il me sembla deviner un léger sourire sur ses lèvres, et je me demandai même s'il n'était pas satisfait que je prenne des décisions par moi-même. Ce n'était peut-être qu'une idée.

— Tiens, regarde ça, me dit-il en ramassant un journal plié qui gisait à côté de lui et en me le tendant. Il se passe des choses de plus en plus graves.

Je pris le papier et lus l'article qui en faisant la Une. Il s'agissait toujours des soldats. Les altercations avec la police se faisaient de plus en plus fréquentes, des mairies, gendarmeries ou d'autres bâtiments importants avaient été attaqués et saccagés. Des messages tagués étaient apparus sur les murs de la ville, insultant le gouvernement, dénonçant la guerre, la misère. La population était de plus en plus effrayée.

« Ces hommes sont fous, dis-je finalement. Ils vont tout détruire. »

Je crus voir une étincelle briller dans le regard de Charlie.

— Eh bien qu'ils détruisent tout. Ce n'est peut-être pas plus mal.

*

Le soir, je m'endormis comme une masse, épuisée, si bien que je ne pus pas espionner Charlie comme je l'aurais voulu. Je ne sus pas s'il avait passé la nuit avec moi ou s'il était parti un moment pendant mon sommeil. Je tâchai de ne rien lui montrer de mes soupçons. Ce garçon n'était pas tout à fait net, je ne tenais pas à ce qu'il décide de me compter parmi ses ennemis.

Il me laissa seule dans la matinée pour aller acheter à manger, ou probablement en voler, car même si nous avions de petites économies, je me doutais qu'il préférait en conserver une partie. Mais le prétexte de quelques courses ne suffisait pas à excuser les longues heures qu'il passa hors de notre cachette. J'avais l'impression que toutes les ficelles étaient entre mes mains pour découvrir la vérité. Il fallait que je comprenne.

Je profitai de son absence pour fouiller dans ses affaires. Je ne tardai pas à retrouver le papier que j'avais déjà vu le soir où Clovis m'avait attaquée. Je n'y avais pas repensé depuis. Il y avait toujours la même liste de noms suivis de quelques adresses, mais à présent, plusieurs étaient barrés. Il n'en restait plus que quelques-uns, dont Alexandre Apollinaire.

*

Les yeux fermés, recroquevillée contre le mur, j'entendis Charlie ramasser ses affaires. Il glissa ses couteaux sous ses vêtements, ainsi que son précieux pistolet. Comme toutes les nuits depuis quelques temps, il laissa son sac à dos. Il voulait probablement voyager le plus léger possible.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant