Chapitre 16

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Après avoir discuté des derniers détails du contrat, que j'acceptai tous sans réfléchir, Marie-Hélène Apollinaire sortit d'un placard de ma nouvelle chambre quelques vêtements qu'elle avait prévus pour moi. Je trouvais étrange le fait d'acheter des vêtements avant d'avoir rencontré la personne, mais l'attention me touchait. Ils étaient tous très sobres et très simples. Il y avait deux tee-shirts, un pull, un pantalon et une jupe. Rien d'extraordinaire, mais j'étais folle de joie à l'idée d'enfin quitter les vieux habits que je portais depuis des jours. Je me changeai dans la salle de bain, optant pour le pantalon. Tout était légèrement trop large pour moi, les vêtements avaient une forme un peu bizarre. Le haut ballotait au niveau de la poitrine, comme si je ne remplissais pas du tout la place prévue, et le tissu formait de gros plis sur les hanches.

Ma nouvelle patronne m'examina comme un objet qu'elle s'apprêterait à ajouter à la décoration millimétrée de son salon. Sa moue n'était pas vraiment satisfaite. Elle réfléchissait.

— Je ne sais pas d'où tu viens pour être si maigre, mais ici, tu vas pouvoir reprendre du poids en un rien de temps.

Puis ses yeux se posèrent sur mes cheveux, coupés à l'arrache, ébouriffés et sales. Elle eut une mine presque dégoutée.

— J'espère que ça repoussera vite. Je vais voir si je ne peux pas te trouver des shampooings spéciaux pour les aider un peu.

Tout cela ne m'enchantait pas vraiment, mais ne resta pas très longtemps dans mon esprit. J'étais beaucoup trop heureuse d'avoir trouvé un travail et un toit. Je ne comprenais toujours pas comment Charlie avait fait pour me dégoter une place aussi parfaite, mais je n'y songeais même plus.

Je commençai mon travail dès la fin de la matinée. Pendant que je faisais la poussière sur les meubles du salon, Louise servit à manger à Marie-Hélène et Alexandre. Ou Junior. Je ne savais pas comment l'appeler dans ma tête, et cela m'amusait un peu. De bonnes odeurs de plat mijoté me parvenaient de la cuisine et je ne pouvais pas m'empêcher de jeter des coups d'œil vers la porte entrouverte, derrière laquelle je savais qu'ils se régalaient. Mon estomac grognait. Je n'avais mangé qu'un sandwich la veille, et j'aurais donné n'importe quoi pour me jeter à table. Mais je m'appliquai dans mon travail, car je me doutais que ma patronne s'assurerait que tout était parfait.

Un moment après qu'elle et son fils aient terminé leur repas, Louise m'appela pour le nôtre. Je me retins de me précipiter dans la cuisine. Nous nous servîmes chacune dans la grande marmite dans laquelle il restait surtout des légumes, et plus énormément de viande. Je ne savais pas combien de jours s'étaient écoulés depuis la dernière fois que j'avais mangé quelque chose de chaud. Ni quelque chose d'aussi bon. Je dus me retenir de ne pas avaler toute mon assiette d'un coup, et me forcer à respirer entre deux bouchées.

Louise mangeait à côté de moi, avec l'air le plus indifférent du monde. Elle me regardait à peine, ne disait rien, ne souriait pas. A ce moment-là, c'était bien la dernière chose dont je me souciais.

Je n'eus pas de répit après manger. Louise me dressa une liste de choses à faire, que je me répétai plusieurs fois pour ne rien oublier. Je commençai par nettoyer les vitres, ce qui n'était pas une mince affaire, puisque les baies vitrées étaient nombreuses et immenses. Armée d'un tabouret, de gants et d'un petit sceau contenant les produits et les chiffons nécessaires, je commençai à faire le tour de la maison, pièce par pièce, en m'arrêtant à chaque fenêtre. J'en profitai pour découvrir un peu le jardin depuis l'intérieur. Il était assez grand, avec une terrasse contenant une table à manger et un salon d'été. Tout autour, l'herbe était bien verte et tondue courte, et de belles fleurs dont je ne connaissais pas les noms étaient parfaitement ordonnées dans de petites zones délimitées.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant