Chapitre 12

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Ce jour-là, Charlie m'emmena pour une mission spéciale, du moins à ce que j'avais compris des brèves explications qu'il avait bien voulu me donner. Malgré le soleil qui laissait apparaître quelques rayons, il faisait encore plus froid que la veille, et j'avais déjà les chaussures trempées par la neige qui formait une couche épaisse sur le sol.

Nous retrouvâmes dans la matinée un groupe de quelques jeunes qui ne m'inspiraient pas vraiment confiance, comme à peu près tous les garçons que j'avais rencontrés depuis que je travaillais pour M. Scott.

— Vous en avez beaucoup ? demanda Charlie.

— Un bon paquet, répondit l'un des adolescents, un grand type aux épaules carrées.

Celui-ci sortit de son sac à dos un sachet transparent contenant une fine poudre blanche.

— Mêmes adresses que d'habitude ? fit Charlie s'en emparant.

— Ouais.

Quelques billets furent échangés, Charlie rangea le sachet de poudre au fond de son sac et nous repartîmes après un simple hochement de tête en guise d'au revoir. J'avais compris qu'il ne fallait pas traîner, et il était évident que le rendez-vous avait été précautionneusement fixé dans un endroit discret.

« Ne me dis pas que c'est de la drogue », dis-je à Charlie tandis que nous nous éloignions.

Il arqua un sourcil, probablement parce qu'il n'avait pas compris mes signes.

Je pointai d'une main énervée la poche de son sac où se trouvait le petit colis.

— Qu'est-ce que tu veux que ce soit ? lâcha-t-il comme s'il n'y avait rien de plus logique. De la coke !

Je cessai net de marcher. Il se retourna vers moi en fronçant les sourcils.

« Ça ne suffisait pas de voler, de violer toutes les lois, il faut en plus qu'on transporte de la drogue ! » fis-je, complètement hors de moi.

— Je capte rien de ce que tu racontes. Viens, on n'a pas que ça à faire.

« Non, tu ne comprends pas ! »

Je pouvais sentir mon pouls sur mes tempes. J'étais soudainement prise d'une rage noire, j'aurais voulu hurler pour laisser sortir ma colère et toutes les émotions qui s'entassaient en moi depuis des jours. Les larmes me montèrent aux joues. J'étais épuisée.

— Eh, me dit Charlie, qu'est-ce que ça peut te faire qu'on trafique de la drogue ? On ne fait que la récupérer et la vendre à d'autres types, c'est tout ! Enfin, la plupart du temps...

Je me pris la tête entre les mains et titubai jusqu'à un banc, où je me laissai tomber. Je sentais les sanglots me serrer la gorge. Je suffoquais presque.

Charlie se planta à quelques mètres de moi, les bras croisés, impatient.

— Bon, je ne compte pas passer la journée ici, me lança-t-il. Soit tu te décides à me suivre, soit tu restes là.

J'essayai de me calmer un peu pour réfléchir. Je m'accrochais depuis plusieurs jours pour réussir tout ce que Charlie me demandait de faire, je m'étais déjà blessée, on m'avait frappée, et je n'avais pas abandonné. Je donnais tout ce dont j'étais capable pour ma mère, pour gagner assez d'argent pour qu'elle puisse être soignée. Ce n'était pas un problème de morale qui allait me faire baisser les bras...

Mais le visage de mon frère réapparaissait constamment dans ma tête, et toutes les fois où je m'étais disputée avec lui. Comme j'avais pu lui en vouloir lorsque c'était lui qui avait revendu de la drogue, lorsque c'était lui qui était au bord du gouffre. La morale ne m'empêchait pas de faire quelque chose d'illégal, elle m'empêchait de faire ce pour quoi j'avais détesté mon frère.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant