Chapitre 7

25 5 0
                                    

Je rassemblai tous mes vêtements et les objets que je voulais emporter dans un gros sac à dos, ainsi qu'un sandwich pour la journée. Amélie et Audrey avaient déjà tout plié. Les meubles faisaient partie de la location, nous ne pouvions même pas les vendre. Mais hormis ces silhouettes fantomatiques, il ne restait plus rien dans la pièce à vivre. Plus aucun bibelot, cadre, tapi, coussin, ustensile de cuisine... Mes sœurs comptaient revendre tout ce qu'elles pourraient sur les marchés. Amélie était également chargée de rendre visite à Pierrick le soir même pour tout lui raconter.

Après le petit-déjeuner, elles m'embrassèrent et partirent toutes les deux travailler après quelques recommandations et regards tristes. Je ne me faisais pas vraiment de souci pour elles, mais je savais que c'était loin d'être réciproque. Elles essayèrent de me rassurer en me promettant que nous trouverions des solutions à tous nos problèmes. Pour l'heure, je ne pouvais rien faire d'autre que de poursuivre ma recherche d'emploi, et mes sœurs devaient essayer de s'arranger avec des amis pour me trouver un endroit où dormir les prochains jours.

Lorsqu'elles eurent quitté l'appartement, je contemplai avec un pincement au cœur les quelques pièces où j'avais passé toute mon enfance. Je retins mes larmes presque douloureusement et me mis intérieurement un coup de pied pour me pousser à avancer. Il n'y avait pas de temps à perdre en émotions, que j'avais de toute façon déjà ruminées pendant des heures. J'avais beaucoup à faire.

J'avais réfléchi une grande partie de la nuit, et j'étais décidée. Peu de choix s'ouvraient à moi. J'en avais saisi un, sans savoir si c'était le bon, mais suffisamment déterminée pour aller jusqu'au bout. J'entrai dans la salle de bain et me plantai devant le miroir sur lequel brillaient quelques traces de doigts pour fixer mon reflet.

J'étais petite et fine, ce qui me faisait paraître aussi chétive qu'un poussin sorti de l'œuf. Mon teint était blafard et mes yeux cernés. Ces derniers semblaient avoir perdu de leur couleur verte et mes cheveux terni depuis la dernière fois que je m'étais vraiment intéressée à eux.

J'ouvris un tiroir pour m'emparer d'une paire de ciseaux, celle dont ma mère s'était toujours servie pour nous couper les cheveux. Audrey et Amélie avait tout de même laissé traîner quelques objets inutiles, dans leur précipitation pour partir. Je n'avais jamais essayé de me faire la coupe moi-même, et je redoutais un massacre.

Je portai les deux lames à hauteur de mon cou et sectionnai une mèche au hasard, qui tomba sur le sol en s'éparpillant légèrement. Je m'emparai d'une seconde, qui subit le même sort, et ainsi de suite jusqu'à ce que tout soit à peu près uniformément coupé. Je les fis un peu plus courts à des endroits qu'à d'autres, sans savoir exactement ce qu'il fallait faire. Quand, après de longues minutes de concentration, je relevai les yeux pour observer mon visage, je me trouvai face à une autre personne.

La mode des coupes pour les femmes était aux cheveux très longs, souvent jusqu'au bas du dos, bien lisses et d'une couleur très tranchée, blond pâle ou noir de suie. Aucune femme n'aurait jamais osé sortir avec ma nouvelle coupe de cheveux. Presque aussi courte que celle d'un homme, elle descendait à peine sur la nuque et tombait un peu n'importe comment sur mes oreilles. Quand je bougeais trop la tête, des mèches se balançaient devant mes yeux, mais je les rejetais en arrière d'un mouvement sec.

Mon visage était moins celui d'une petite fille, mais pas pour autant celui d'une femme, étant donnés les critères très précis qui leur étaient imposés. En fait, je ressemblais plutôt à un jeune garçon, qui n'aurait pas mis les pieds chez le coiffeur depuis un moment. Un garçon des rues, en somme.

J'étais loin d'être belle. Cette coupe ébouriffée n'arrangeait pas ma mine déconfite et ne faisait que renforcer mon image misérable. Cependant, je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire. Sans savoir pourquoi, j'aimais bien ne pas me plier aux règles de beauté. Si violer la loi était condamnable, rien ne pouvait m'interdire de ne pas me coiffer ni me maquiller comme les autres. Et même si les stéréotypes de belles femmes qui étaient imprimés dans mon esprit me rendaient laide à mes propres yeux, c'était comme un avant-goût de liberté. Un avant-goût seulement, mais déjà délicieux.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant