Memories

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Lucy Quinzel

Mes parents étaient rentrés à la maison depuis trois quarts d'heures. J'avais passé un peu de temps avec eux avant d'aller à la douche. Une fois dans la salle de bain, je me déshabillai tout en repensant à cette drôle de dame dehors. Ce n'était pas la première fois que je voyais cette femme aux cheveux rouges et noirs. Je réalisai que je la voyais rarement, et cela me fit penser au membre de la famille que je vois le moins souvent: ma tante Harleen. Je peux même dire que je la vois encore moins que cette drôle de femme.

La dernière fois que je l'avais vu, j'avais dix ans. Et elle m'avait plus ou moins posé les mêmes questions à chaque fois qu'elle venait... surtout des interrogations à propos de Joe. Si je le voyais toujours, ce qu'il me racontait, ce que je ressentais quand il me parlait. Elle m'avait même demandé de le dessiner une fois. Et à chaque fois que je répondais et faisais ce qu'elle avait demandé, elle regardait toujours ma mère... et je voyais souvent de l'inquiétude dans leurs yeux. De mes cinq à mes dix ans, je demandais toujours pourquoi je ne voyais presque jamais ma tante. On ne m'a jamais vraiment dit ce qu'elle faisait dans la vie... On m'avait toujours répondu qu'elle était très occupée et que son métier était compliqué à expliquer. Avec le recul, je me demandais si on ne me cachait pas quelque chose.

- Tiens! Nous avons une nouvelle Sherlock Holmes, se moqua sarcastiquement la voix dans mon esprit. Maintenant que tu as eu cette illumination, tu comptes faire quelque chose?

- Oui, répondis-je. Couper l'eau et sortir de la douche, souris-je.

- Pourquoi il a fallu que je tombe sur toi, souffla-t-il.

- Je me posais la même question, avouai-je.

Le pyjama sur moi, je sortis de la salle de bain quelques instants plus tard. J'allais rejoindre mon père dans le salon, en attendant de dîner. Je discutai avec mes amis par messagerie instantanée sur le net avec mon téléphone, jusqu'à ce que ma mère nous demande de mettre la table. Mon père et moi obéîmes sans broncher. Il en profita aussi pour faire quelques "mamours" à ma mère, qui sourit comme une adolescente qui se marrait avec son premier béguin. C'était mignon à voir, mais Joe n'était pas de cet avis.

- Je vais vomir...

La table mise et servie, nous mangeâmes tous ensemble en racontant chacun notre tour notre journée. C'était comme ça chaque soir à la maison, quand la famille se retrouvait. Je n'avais jamais parlé de cette femme rouge et noir à mes parents, et je ne suis pas sûre que ce soit nécessaire. Et puis, elle ne me semblait pas dangereuse pour le peu que je l'avais vu.

Le repas terminé, je débarrassai mon assiette, mes couverts et mon verre pour les mettre dans l'évier. Je retournai dans le salon et m'assis sur le canapé. Ma mère me demanda de changer de chaîne lorsque les informations commençaient, prétextant que ce n'était pas le moment de se soucier du monde. Mais je savais parfaitement qu'il y avait quelque chose que cette histoire de ne pas vouloir les malheurs banalisées à la télévision.

- Quelle perspicacité, Sherlock...

Oh! Si seulement Joe pouvait se taire! Je fis tout de même ce qu'elle m'avait demandé. Je ne voulais pas que cette histoire de journal télévisé nous fasse hurler pour qu'on entende la porte de ma chambre claquer dans tout le quartier. Un peu plus tard, mes parents m'avaient rejoint dans le séjour et nous regardâmes l'émission du soir. Celle-ci terminée, je souhaitai bonne nuit à mes parents avant d'aller dans la salle de bain pour me laver les dents.

- Franchement, de toi à moi... t'as pas envie de savoir ce qui se passe?

- Non, Joe, répondis-je malgré la brosse à dents en bouche. Si ça se trouve, repris-je en interrompant le brossage, il ne se passe rien.

- Lulu, m'appela-t-il. T'es pas une gamine naïve, me signala-t-il. T'es même mieux que ça!

- Et alors? dis-je en frottant les poils de ma brosse à dents sur ces dernières.

Joe se contenta de grommeler et de se plaindre de mon comportement.

- On te prend pour une quiche! s'emporta-t-il. Depuis que tu es née, on se fiche de toi! On te ment!

- Mais bien sûr, soupirai-je avant de cracher dans le lavabo.

Je me rinçai la bouche tandis que Joe vociféra dans mon esprit. Je le laissai dire, je ne réagis même pas. Je sortis de la salle de bain et me dirigeai vers ma chambre. Je me laissai tomber dans le lit avant se m'allonger correctement et de poser ma tête sur mon oreiller bien frais. Ma mère avait changé les couvertures hier. Je fermai les yeux en attendant que le sommeil arrive. Mais Joe voulut faire la causette, je le priai de bien vouloir se taire.

- Il y en a qui voudrait dormir, le réprimandai-je.

- Arrête d'être agaçante! Tu me rappelles quelqu'un, jacassa-t-il.

- Qui? Je ne connais pas tes fréquentations, rappelai-je avec ironie.

- Si je te le dis, ce serait moins drôle.

- Oh! Tu es vraiment désagréable, m'emportai-je. Bonne nuit, Joe.

- Cauchemarde bien, Lucy, me souhaita-t-il.

Joe n'a jamais été très sympa avec moi... Il a commencé à me parler quand j'avais quatre ans. Au début, ça allait, il me faisait rire. Mais au fil des années, il était moins drôle et gentil... il est devenu sournois et méchant. Je n'ai dit à personne qu'il était revenu. Je pense que c'était peine perdue... Lui-même le disait et prétendait que j'avais besoin de lui... Pour l'instant, je ne vois toujours pas son utilité.

Je me réveillai difficilement le lendemain. Le hurlement du réveil résonna dans ma tête, me donnant limite mal au crâne. Joe n'avait pas arrêté de parler cette nuit. Je me levais péniblement après avoir éteint le réveil. J'allais dans la salle de bain me doucher, en espérant être mieux réveillée. Je mis les mêmes vêtements qu'hier. Je me mis du fond de teint avant de me maquiller les yeux de noir en créant l'effet smoke et de mascara noir, mettant en valeur mes iris bleus clairs. Je coiffai ma tignasse blonde.

- Mh... tu devrais te teindre les cheveux, marmonna Joe. Pourquoi ne pas essayer rouge d'un côté et noir de l'autre?

Je fronçai les sourcils, me demandant pourquoi il me proposait ça, mais je continuai tout de même à me préparer. Voulant forcément une réponse de ma part, Joe insista. Je finis par soupirer.

- Pourquoi tu veux que mes cheveux soient comme ceux de la femme d'hier, répondis-je.

- Oh! Par curiosité, rétorqua-t-il. Et puis, ça me rappelle une fille. Elle était belle, intelligente, elle avait du répondant aussi. Mais qu'est-ce qu'elle était naïve, se moqua-t-il.

- Comment peux-tu te souvenir de chose alors que tu es juste dans ma tête? Je veux dire que... tu peux pas te souvenir de chose! 

- Si tu savais, Lucy, soupira la voix dans ma tête.

- Mais je veux savoir, clamai-je en terminant de me préparer.

- Pour ça, il faudrait que tu m'écoutes. Et ce n'est pas gagné... Tu es encore plus naïve qu'elle l'était, c'est agaçant! grognait-il.

- Je dois complètement perdre la boule, murmurai-je en secouant la tête.

J'engloutis mon petit-déjeuner et filai en cours. Mon bus était déjà là, je montai dedans, avec la musique plutôt forte dans mes oreilles. Sur la route, je repensai à ma conversation que j'avais eu avec Joe. Tout ce qu'il m'avait dit me sembla absurde, inimaginable. Mais une part de moi voulait le croire. Il y a des comportements et des règles bien étrange à la maison. 

La journée ennuyeuse de cours commença. Toujours les mêmes choses. Je ris et parlai toujours à la cantine. Cette fois, j'interagis beaucoup avec mes amis autour de la table. Nous discutâmes de voiture, une de mes autres passions avec la danse. J'avais toujours aimé leur ligne et la puissance des moteurs. Je rêvais d'avoir une Chevrolet Impala 1967. Vieux modèle, mais c'était ma voiture préférée.

The Joke's On LucyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant