Conte de moeurs en tout genre

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De grands yeux verts fixent le plafond, ils ne semblent plus rien admirer, toute forme de curiosité a disparu. Depuis combien de temps observent-ils ce plafond sans décor ? Ils leur arrivent parfois de vibrer mais hélas ils ne brillent plus depuis quelques années. Ces grands yeux à la couleur peu commune tant sont-ils clairs appartiennent à une très vieille femme ayant vécu tous les malheurs qu'ils puissent être subit. Peinant à respirer et les lèvres sèches, elle reste seule toute la journée. Elle n'a jamais eu le désire d'aimer un enfant, elle n'en a donc pas, sa sœur n'est plus de ce monde depuis une bonne décennie.

Les rides lui bouffant la totalité du visage, elle n'attend plus que la mort vienne pas à pas la chercher.

-Ma mère... demande une bonne sœur qui vient souvent la consulter, comment vous sentez-vous ce jour d'Hui ?

La jeune fille semble encore bien jeune et si innocente.

-Je ne vais pas mieux qu'hier et je doute de voir demain ma fille... répond-t-elle faiblement

-Souhaitez-vous que je fasse venir un prêtre ?

-Non, ne vous donnez pas cette peine.

La bonne sœur aussi nommée Margaux se relève de son tabouret s'apprêtant ainsi à quitter la pièce. Elle n'est ni belle ni laide, ni gentille ni méchante, elle est comme n'importe quelle autre bonne sœur. Pourtant, la mère du couvent, celle qui repose tranquillement dans le lit, l'a choisi pour prendre soin d'elle. Pourquoi ? Seule elle sait.

-Revenez ma fille ! susurre alors la future défunte

Margaux revient sans répliquer et attend.

-Je vous apprécies ma fille et je vous ai toujours bien aimé... commence-t-elle

-Comme toutes les autres ,mère, votre amour nous est si cher.

-Non, surtout vous Margaux. Je me souviens de votre arrivée, vous me rappeliez ma sœur, comme elle me manque. Si vous saviez comme tous me manquent.

La mère se tourne vers la jeune fille dont elle effleure la joue du bout du doigt.

- J'ai très longtemps jalousé ma sœur. La beauté et la piété étaient les seules qualités existantes chez moi mais Victoria était si parfaite.

-Mais ma mère, vous êtes d'une bonté absolue, regardez ce que vous avez fait de ce couvent autrefois en ruine...

La vieille femme balaye cette remarque de sa main.

- Si je suis entrée au couvent et suis devenue celle que je suis maintenant c'est parce que l'homme que j'aimais est mort... reprend-t-elle, d'une façon si stupide...

Elle rit en repensant à ces années à présent loin derrière elle.

- Il est mort pour une femme alors qu'il pouvait m'obtenir moi ! vocifère-t-elle en portant son poing à sa poitrine

- Et cette femme qu'est-elle devenue ? questionne Margaux tout en remplissant une bassine d'eau

- Elle a été mariée de force à un homme puissant. Elle s'est suicidée un an plus tard en se pendant au chandelier de sa chambre.

La bonne sœur porte une main à son cou répugnant l'idée de cette mort.

- La voilà maintenant condamnée aux flammes de l'enfer... déclare-t-elle

- L'amour est un sentiment ravageur ma fille. Il vous anime et vous consume dans un même temps. L'amour est une souffrance qui vous mène à la dépendance. J'ai moi-même souhaité mettre fin à ma vie mais ce que j'éprouvais pour Dieu était plus fort.

- Ma mère... Seriez-vous à l'origine de la mort de ce jeune homme ? interroge Margaux inquiète

La vieille femme prend une profonde inspiration. Elle ne veut pas en parler mais il est temps. Après toutes ces années à enfouir ce profond secret, elle doit le divulguer pour partir en paix.

- Je suis Isabelle de Lestrange. Fille d'Hortense et de Simon de Lestrange. Mes parents se sont mariés en janvier de l'année 1695, c'était il y a quatre-vingt-six ans. Je suis née la même année, le vingt-huit novembre. J'étais une enfant calme, ma mère et mon père m'aimaient beaucoup. Mais pas autant que ma jeune sœur qui a vu le jour en septembre 1696. Nous n'avions pas même un an d'écart. Victoria était tout mon opposé. Une petite brune aux yeux marrons pétillants et surtout un enfant prodige. Je me souviens de la première fois où ma tante lui a tendu un violon, elle s'est mise à jouer alors qu'elle n'avait jamais appris. Toutes ces notes qui sortaient les unes après les autres envoutaient nos cœurs et nous impressionnaient dans un même temps. C'est à partir de ce talent qu'on ne prêta plus attention à moi. Il n'y en avait que pour Victoria. Après tout je n'étais qu'Isabelle, une simple et pâle copie de ma mère physiquement et moralement. Tout le monde savait déjà que je finirais ma vie dans les mains de Dieu. Il n'y a peut-être que ma tante qui se souciait un minimum de mes états-d 'âmes. C'était une femme extraordinaire qui a tout supporté y compris les badineries de son impétueux époux. C'était un homme fort détestable et qui aimait autant les brunes que les blondes, les rondes que les fines. Pourtant il s'était engagé avec Charlotte, ma tante, en 1694. Les de Marquet formaient un couple désunis et leur fils était leur seul centre d'intérêt. Maxence était mon cousin et le plus gentil de tous. Malheureusement il n'est pas né dans la bonne famille je le crains fort. J'avais une très bonne amie, elle s'appellait Elise ou Beth, je n'ai jamais su comment la nommer puisque ses parents n'ont jamais su se mettre d'accord sur son prénom. Il ne se sont d'ailleurs jamais mis d'accord sur rien. Sa mère se lamentait de tout et surtout du manque d'attention de son époux. C'était un homme de génie il faut dire, comment vouliez vous qu'il consacre du temps à une godiche comme elle ? Il avait un don pour la physique et la chimie révoltant, mais c'est ce qui mena à sa perte. Il est mort à l'âge de trente-six ans à cause de l'unes de ses potions... quel gâchis. Beth aussi a très mal terminé, elle s'est faite internée alors qu'elle n'avait pas même vingt ans. Depuis je n'ai plus jamais eu de nouvelles d'elle. Ni de sa mère qui dès l'internement de sa fille a quitté notre château au Vivarais et nous n'avons jamais su où elle était partie. Je me souviens de cette princesse, Clothilde. C'était la petite fille du roi, Louis le quatorzième et dire que nous sommes sous la monarchie du seizième à présent. Je n'ai jamais porté cette fille dans mon cœur mais j'ai tout de même éprouvé de la tristesse lors de son décès car Victoria l'admirait. Mon enfance me manque et je donnerais tout ce qu'il m'est de plus précieux pour la revivre jusqu'à ce maudit jour où il est mort à cause de ma souffrance. Il est parti et il n'est jamais plus revenu.


Prodigieux Souvenirs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant