Prodigieux Souvenirs [TERMINÉ]

VI

- M. Ponichelli est dur avec moi... s'exprima Victoria qui tombait presque de fatigue sur son lit

Elle parlait de son nouveau professeur lui enseignant le violon.
Il était âgé d'une trentaine d'années et se montrait très autoritaire. Il provenait d'Italie et s'avérait être de la même famille que Béline, ce qui retira une épine du pied de Mme de Lestrange qui ne savait où chercher un maître. Par chance il recherchait un travail car l'ancien ne lui permettait pas de quitter son foyer.
Né d'un père artisant et fabriquant d'instrument, il s'était lui même confectionné son violon et avait appris tout seul à en jouer.
Béline lui avait fait part dans un courrier qu'il était le bienvenue en France et qu'il serait bien mieux payé et traité.
Evidemment elle avait un peu menti quant à ses capacités et avait légérement arrondi les angles pour que Mme de Lestrange acceptât de le prendre à son service.

- Vous avez reclamé un enseignant pendant des semaines maintenant il vous faut respecter vos engagements ! la sermonna son ainée
- Pourquoi faut-il que vous soyez si cruelle ma soeur ? se lamenta la plus jeune en glissant et entrainant les draps avec elle

Isabelle s'installa aux rebords de sa fenêtre et commença sa lecture biblique, elle n'entendit pas Maxence entrer.

- Pourquoi restez-vous enfermées ? leur demanda-t-il, la neige atteint presque nos genoux dehors, allons nous amuser !

Le mois de décembre s'était abattu sur la région et l'hiver se faisait plus que rude.
La neige ensevelait tout le parc ainsi que les rebords extérieurs des fenêtres. Noël approchait et du houx avait été installé un peu partout dans la demeure ce qui déplaisait fort à Mme de Marquet qui jugeait cela ridicule.

- Oh oui faisons une bataille ! proposa Victoria euphorique
- Il fait bien trop froid pour mettre un pied dehors. claironna la rouquine en tournant une page de son livre sacré

Son cousin fit la moue, il la trouvait bien trop sérieuse pour une petite fille ayant fêté ses sept ans quelques semaines auparavant.
Victoria avait enfilé un long manteau de soie ainsi qu'une cape brune et tira le bras du garçon.

Maxence mit son index sur ses lèvres, lui indiquant ainsi de garder le silence et s'approcha d'Isabelle sur la pointe des pieds. Cette dernière ne remarqua rien et il en profita pour lui arracher la Bible des mains.

- Rendez la moi ! s'écria-t-elle en colère
- Et bien venez la chercher chère cousine ! rit-il en se ruant vers les escaliers suivit de près par la cadette

La plus grande n'enfila aucun manteau et prit simplement sa cape dans la précipitation.
Le duo bouscula comme toujours les domestiques qui tombèrent à la renverse les uns après les autres.
M. de Lestrange qui sortait de son bureau se recula prestement en voyant les deux furies débouler sur lui.

- Que se passe-t-il ? s'enquit-il
- Ils ont volé ma Bible ! s'exclama Isabelle en se retournant rapidement en sa direction

M. de Lestrange secoua la tête et regagna le salon où il pria Lucien de remettre quelques couriers importants au bureau de poste le plus proche.
Un de ses navires avait fait naufrage alors qu'il comportait une grande dose de marchandise provenant d'Asie et des Indes. M. de Lestrange allait être obligé de se déplacer jusqu'au port de Marseille et cela ne le ravissait guère. Fabriquer une nouvelle frégate plus résistante et innovante était sa nouvelle mission, mais il redoutait que sous ce froid les ouvriers ne baissèrent les bras, alors il préférait s'y rendre en personne.

Dépassant le porche longeant la cours et parsemé de ronce, Maxence déboucha près de la rivière gêlée.
Il mit d'ailleurs un pied dessus puis voyant que la glace ne se brisait point, il se laissa glisser peu à peu.