Prodigieux Souvenirs [TERMINÉ]

II bis

Sa bonne râla et la rappela à plusieurs reprises mais rien à faire, la petite avait déjà disparu. De son côté, la jolie rousse déglutit avant de quitter la pièce à son tour. Elle ne se pressa pas et atteignit finalement l'escalier principal où était rangé une horde de servant prêt à accueillir la fille du grand monarque. Le visage lacéré, une posture droite et le regard inexpressif, tous semblaient sous pression. Il s'agissait pourtant d'une amie de longue date, mais aussi et surtout d'une princesse. Isabelle posa sa main sur la rembarre et descendit les marches marbrées pour rejoindre sa mère et son père dans l'allée principale. Isabelle afficha immédiatement un sourire radieux, se souvenant qu'il était inconvenable de recevoir des invités sans faire preuve de courtoisie.

Madame de Prez sortit alors resplendissante de beauté. Sa robe faite de fils argentés et ornés de pierres précieuses contrastée avec les simples tenues que portaient les maîtresses du château. Dès lors, chacun se pressa de faire la plus noble des révérences, ce qui gêna madame de Prez.

- Et bien mes chers amis, commença-t-elle, quel bonheur de vous revoir en ce gracieux jour. Je vous vois rayonnants, quelle bien heureuse journée.

Deux enfants se chamaillant pour savoir lequel sortirait le premier firent alors leur apparition. D'une semblable ressemblance, il était impossible de différencier le plus jeune. Dotés tous deux de grands yeux bleus pétillants, l'un était marqué d'une tâche de naissance mangeant une grande partie de sa pommette gauche et l'autre d'un charmant grain de beauté au-dessus de la lèvre. Un tantinet agacé, le plus malicieux écrasa le pied de son jumeau qui lui rendit la pareille en tirant sur ses boucles blondes. Sous ce pittoresque spectacle Victoria étouffa un rire silencieux. Monsieur de Prez se contenta de se placer entre le deux pour cesser les querelles.

- Et revoici le duo infernal ! rit madame de Marquet

- Diantre, qu'ils sont devenus grand à présent. remarqua sa belle-sœur

Au même instant la ravissante Clothilde descendit du carrosse affichant de parfaits traits angéliques. Le cœur d'Isabelle se resserra, plus les années passées et plus elle devenait sublime. Chacun salua à son tour la jeune princesse.

Clothilde n'avait rien d'une petite fille ordinaire. Ainée du trio, elle ne faisait pourtant physiquement pas son âge. Elle n'était pas très menue et malheureusement de toute petite taille. Mais elle avait l'esprit vif et connaissait déjà les mœurs de son temps. Elle pouvait parler grec comme le latin mais rejoignait et affectionnait particulièrement la poésie française. Docile, certes mais aussi très espiègle et manipulatrice lorsqu'il s'agissait de vengeance. Clothilde savait exactement qui elle était et ce que plus tard elle pourrait être.

Les dames de maison décidèrent d'accueillir la famille royale dans le séjour. Les deux ne cessaient en rien leurs enfantillages ce qui agaça leur aînée. Marchant à la file indienne dans le petit couloir faisant office de passage jusqu'au salon, elle se tourna vers eux et les blâma.

- Allez-vous donc cesser ?

Le duo la dévisagea tout en l'imitant, l'un en reproduisant ses gestes et l'autre en répétant ses dires.

- Vous n'êtes que des êtres dotés d'idiotie, quel gâchis de vous avoir donné la vie... attaqua la plus âgée

- As-tu compris mon frère ? se moqua le plus taquin

- Non point mon frère, je ne sais pas par quel langage cette personne tente de communiquer avec nous... rétorqua le plus stratège

Ils rirent sous le nez de leur sœur qui ne se vexa pas. Elle préféra rouler des yeux et les ignorer.

Monsieur de Prez ayant assister à la scène et étant quelque peu amuser, saisit ses deux fils par les épaules et leur chuchota :

- Voyons Charles et Benoît, il ne faut point importuner sa majesté ou elle risquerait de jeter ses foudres sur vous, pauvres âmes que vous êtes...