La réception débutait à peine que tous les invités s'étaient déjà rués près du buffet où une trentaine de mets refroidissait doucement. Il y avait tant de monde qu'on entendait à peine le son des violons ou encore les fortes cordes des contre basses. Les commérages constituaient l'ambiance, les critiques fusaient et nul ne se sentait coupable de les divulguer avec autant de liberté.
Mme de Brandebourg s'était immiscée dans cette foule, sa foule. Il s'agissait de son anniversaire, elle aurait dû être la reine de la soirée, pourtant elle se faisait des plus invisibles. La jeune femme laissait sa place à son époux, un homme de conversation mais aussi de badineries. Elle y était habituée, d'autant que cette réception avait été organisée par son compagnon et non point par elle. Mais Mme Brandebourg restait joyeuse car le peu de ses vrais amis étaient présents. Elle ne discutait qu'avec Mme de Marquet et Mme de Lestrange.
Le trio s'était reclus dans un angle du grand salon aux tons cuivrés et aux tapis dorés. Charlotte n'aimait point cette pièce qu'elle jugeait beaucoup trop baroque, elle savait cela à présent démodé et préférait amplement tout ce qui était épuré. La tenue de Mme de Brandebourg était aussi très passée de mode. Elle comportait trop de dentelles de France, trop de tissus rayonnants et trop de rubans affriolants. Charlotte se doutait bien que Mme de Brandebourg n'était pas assez riche pour évoluer comme les autres nobles de son temps, elle ignorait cependant la raison.- Pourquoi ne point m'avoir amenée vos enfants ? s'enquit Mme de Brandebourg déçue, ma fille les apprécie !
- Nous préférions ne pas les mêler à ce flot de conversation pour le moment. De plus nous avions peur qu'ils nuisent à votre réception par leur maladresse. répondit habilement Mme de Marquet
- Que nenni ! s'indigna la célébrée, vous savez parfaitement que les enfants ne me dérangent point. Ma pauvre Eugénie va follement s'ennuyer ce soir.
Mme Dunoyer, près des buffets, s'approcha puis prit part à leur discussion.
- Madame, commença-t-elle la bouche pleine, vos mets sont succulents !
Mme de Brandebourg ne connaissait pas encore Héloïse, elle ne rétorqua rien, attendant une présentation. Mme Dunoyer s'aperçut aussitôt de son impolitesse, elle rougit, ce qui fit rire aux éclats Mme de Marquet.
- Pardonnez l'air frivole de ma sœur Adélaïde, plaisanta cette dernière, il s'agit d'Héloïse Dunoyer, venue me rendre visite pour quelques mois.
- Comme c'est charmant, rit à son tour Mme Brandebourg, avez-vous des enfants ?
Mme de Lestrange ne les écoutait que d'une oreille, elle était d'humeur rêveuse en cette soirée de juillet. Elle observait les couples danser un radieux menuet. La jolie femme contempla ensuite le carré composé de sofa et dédié aux jeux de cartes, un art qu'elle ne maîtrisait malheureusement pas. Elle sentit soudainement deux mains s'agripper à sa taille, elle ne tarda pas à comprendre qu'il s'agissait de celles de son époux. M. de Lestrange lui embrassa doucement la nuque avant de lui susurrer :
- M'accorderiez-vous une danse ?
Hortense sourit de bon cœur puis s'envola avec lui sur la piste, où tous ne pouvaient que jalouser ou admirer leur amour.
- Il est rare de voir deux êtres aussi passionnés ! badina Mme de Brandebourg
- Ils ont eu une bonne fortune. répliqua Héloïse toujours la bouche pleine
Mme de Marquet demeura silencieuse, elle cherchait du coin de l'œil M. Böttger. Il se tenait près des portes, un bras derrière le dos. Sa femme prenait du bon temps en compagnie d'autres dames près d'une fontaine à chocolat.
- Charlotte ? l'appela de nouveau Mme de Brandebourg
- Oui ? rétorqua cette dernière tout juste sortie de ses pensées
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Prodigieux Souvenirs [TERMINÉ]
Ficção HistóricaTOME 1 Été 1702 au Vivarais, les deux amies Charlotte de Marquet et Hortense de Lestrange sont désormais mariées aux hommes qu'elles souhaitaient et élèvent comme elles peuvent leurs enfants. Malheureusement rien ne se déroule comme prévu. Les trom...