VII

143 18 8
                                    

Le château était animé depuis le retour du couple de Prez venu célébrer les neuf ans de leur fille. On offrit à Clothilde deux robes types vénitiennes, l'une de couleur amarante et l'autre cuivrée. La princesse s'était efforcée d'apprécier ses présents bien qu'elle les jugeât tous bien futiles.

Mme de Lestrange n'avait, comme pour les jours précédents, pas quitter ses appartements et ne voyait pratiquement personne. Elle attendait dans l'angoisse que son époux revienne. Nul ne s'inquiétait de sa santé, pas même sa belle-sœur qui mettait cela sur le compte de la fatigue.

A dire vrai, Mme de Marquet avait la tête ailleurs et ne se préoccupait guère des problèmes alentours. Tout allait pour le mieux dans sa vie et elle ne souhaitait absolument pas ternir sa joie en se mêlant des soucis des autres. L'égoïsme n'était pas un défaut chez la jeune femme, cependant ces dernières semaines elle se révélait de plus en plus joviale et même parfois superficielle.

La bonne avait été la première à remarquer son changement de comportement. Cette dernière s'en était éloignée et passait le plus clair de son temps avec Mme de Lestrange. Elle tentait de la rassurer au mieux mais en vain, Hortense restait recluse.

- Mangez un peu madame, vous êtes devenue bien maigre... s'inquiéta Béline

La jeune mère ne l'écouta pas. Son allure était des plus déplorable. Elle ne se coiffait plus, ses mèches rousses se mêlaient dans tous les sens. Elle se dirigea difficilement vers sa fenêtre où elle tira d'un coup sec les lourds rideaux qui la protégeait du soleil.

- Madame vous êtes malade ! La lumière n'est pas bonne pour vous ! s'écria la bonne

Hortense n'en eut que faire des remarques qu'on lui faisait. Elle n'en pouvait plus de cette situation. Elle en voulait à son époux de l'avoir quittée en de pareilles circonstances. Déjà deux mois s'étaient écoulés et aucun cachet ne lui avait été envoyé. Elle s'impatientait.

De sa fenêtre elle vit Mme de Prez ainsi que le reste de sa famille quitter les lieux. Elle aurait aimé les saluer mais elle n'était guère présentable.

Mme de Lestrange vit d'ailleurs encore et toujours son ancienne amie aux côtés de l'alchimiste. Elle soupira, que pouvait-elle bien lui trouver de plus qu'elle ?

- Jamais il n'aurait dû insérer nos vies... fredonna-t-elle en désignant M. Böttger

La bonne se rapprocha de sa maîtresse et posa une main sur son épaule.

- Elle n'aurait surtout jamais dû se marier avec M. de Marquet... Mais Dieu en a décidé autrement. Peut-être a-t-elle trouvé le bonheur ailleurs.

- M. Böttger est marié, l'infidélité est un pêché ! gronda Mme de Lestrange

- Il est vrai ...

- Faîtes appeler mes filles, j'aimerai les embrasser.

La bonne fit une légère révérence et s'empressa de quitter la pièce.

Isabelle et Victoria vagabondaient sur les terres appartenant à leur famille. Elles s'amusaient à courir après les lapins ou bien observaient les papillons sortant tout juste de leur cocon.

Elles s'étaient un peu trop éloignées des limites imposées, mais s'en moquaient. Depuis peu, la demeure était devenue froide et plus personne ne semblait prêter attention aux deux jeunes filles.

Seule Isabelle, la plus mature en était affectée. La jolie rouquine avait un mauvais pressentiment. Le Vivarais semblait mort et désert, plus aucun sourire ne s'affichait, plus aucun rire ne résonnait. Le printemps était là, mais l'atmosphère restait lugubre.

Prodigieux Souvenirs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant