XI

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Le mois d'août ravivait la joie chez les résidents du Vivarais. Les conflits familiaux n'étaient plus au menue des discussions. Certaines vérités étaient toujours bien cachées, et ainsi cela devait demeurer.
On préférait rire au Vivarais, car l'été était la plus chaleureuse des saisons. Cependant, une sorte d'amnésie avait atteint chaque habitant du domaine, ils n'énonçaient plus aucune de leurs malheureuses aventures bien que ces dernières ne soient encore réglées. La chaleur de cette saison propice semblait avoir éradiquer toutes les blessures sans forcément les panser.

En cette belle journée, un repas en plein air avait été organisé. Tapis à l'ombre, les résidents avait déployé une splendide nappe blanche sur un carré d'herbe fraiche. A Versailles, un tel évènement aurait été sujet à des moqueries, mais l'on se moquait bien de tout cela en province. Les enfants s'amusaient à colin Maillard tout près du potager où de belles citrouilles reposaient à la surface de la terre. Victoria avait les yeux bandés et tentait, à travers de nombreux fous rires, de retrouver ses amis un à un. Elle trichait discrètement mais se faisait toujours devancer et restait ainsi l'attrapeur.

Mme de Lestrange les observait d'un œil bienveillant un peu plus loin. Elle attendait avec grand hâte le retour de son époux, parti chasser en compagnie de M. Dunoyer. M. Böttger avait quant à lui, préféré rester dans son laboratoire. Le jeune homme n'aimait pas particulièrement le grand air, il avait de plus, certains projets à finaliser. Ses travaux se languissaient et n'aboutissaient souvent qu'à de très brèves conclusions. Il était angoissé à l'idée de perdre de son génie. Il n'étincelait plus, n'avait plus d'aussi brillantes études qu'autrefois. Néanmoins, il se plaisait à enseigner, d'autant que son élève était des plus perspicace. Clothilde était un phénomène, une icône selon lui. L'alchimiste regrettait presque qu'elle soit née en ce siècle, son statut de femme ne lui octroierait aucune reconnaissance.

La princesse était bien loin de songer à son intellect en ce jour-ci. Elle déambulait entre les sycomores et les chênes, ne souhaitant point se faire attraper. Elle riait de bon cœur aux grimaces que faisait Hippolyte derrière Victoria sans que celle-ci ne s'en aperçoive. Elle appréciait vivement les deux fils de Mme Dunoyer. Basile était un brin narcissique mais tout de même fourni d'une tête bien pleine tandis que son frère était un fin farceur, empli d'une sensibilité faisant mouche auprès de la jeune fille.

- C'est une ravissante princesse, se ravit la vieille Mme de Lestrange qui à l'aide d'une petite longue-vue la contemplait

- Ne craignez-vous point d'être arrêtées par la police royale ? questionna Mme Dunoyer en s'essuyant les mains sur son tablier

Le jus des cerises coulait le long de ses doigts, elle craignait que des guêpes viennent tôt ou tard l'horripiler.

- Il est vrai que nous le craignons parfois, répondit sagement Mme de Lestrange, mais Louise, sa mère nous protège avec hardiesse.

- Mme de Maintenon s'apercevra bien un jour de la supercherie. Aucune nouvelle du couvent n'est adressée à Versailles, cela est très suspect. grinça la vieille dame

Hortense haussa les épaules, à court d'arguments. Mme de Marquet, allongée sur la jolie nappe, prit la parole :

- Je suis certaine que Louise ruse pour ne pas nous faire découvrir. Et puis Mme de Maintenon a certainement d'autres chats à fouetter.

- D'autant que Clothilde n'est pas la descendante directe de notre bon roi, ajouta Mme de Lestrange, elle ne porte même pas le nom de princesse en réalité. Je pense qu'actuellement personne ne s'épanche réellement sur son cas.

- Que deviendra-t-elle une fois de retour à Versailles ? s'enquit Mme Dunoyer attristée

- Elle sera mariée de force à un homme riche. Ainsi va la coutume à la cour. répliqua Mme Böttger en réajustant son chapeau de paille

Prodigieux Souvenirs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant