VII bis

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Mme Böttger s'approcha des deux jeunes femmes et les détailla avec attention.

Elle aussi avait cette impression de déjà-vu mais n'arrivait pas à se souvenir de l'époque ou encore du lieu.

Mme Böttger était encore bien jeune mais des traits de fatigue marqués l'intégralité de son visage. Il était évident qu'elle était autrefois une splendide demoiselle, malheureusement les années n'avaient pas joué en sa faveur.

Seul l'intense éclat de ses yeux résidait encore. On lisait au sein de ces derniers un passé ombrageux et plein de sacrifices.

Mme Böttger était coiffée avec simplicité. Un nœud venait attacher ses cheveux en une queue basse. Sa tenue renvoyait l'image d'une femme modeste et point riche comme son mari en avait fait l'éloge. Un corset gris, un jupon gris et des manches grises, voilà le résumé de l'élégance Saxonne.

Mme Böttger n'affichait aucune émotion, elle était si stoïque que les deux maîtresses de maison n'osèrent lui adresser la parole.

Mme Böttger n'était pourtant pas méchante, elle était simplement désarmée face à toutes les épreuves auxquelles elle fut confrontée.

Un léger sourire parcourut ses lèvres, d'un pas elle franchit les quelques marches qui la distançaient des deux maîtresses du château.

- Bonjour... lâcha-t-elle timidement, je vous remercie de m'accueillir au sein de votre demeure.

Mme de Lestrange oublia brièvement les bonnes manières et l'enlaça.

- Eléonore quelle joie de vous revoir après toutes ces années ! s'exclama cette dernière

- D'où connaissez-vous mon nom ?

- Allons, rappelez-vous nous étions ensemble à Saint-Cyr ! C'est moi, Hortense !

Mme Böttger recula. Elle se souvenait à présent. Bien qu'elle n'eût pas longtemps côtoyer les deux jeunes femmes elle les connaissait par leur pureté et leur rébellion. Contre toute attente, elle ne sembla pas apprécier ces retrouvailles.

Mme de Marquet s'avança à son tour vers elle.

- Je suis Charlotte, vous n'avez tout de même pas oublié ?

Eléonore la toisa. Son époux lui avait bien parlé d'une certaine femme se prénommant ainsi. Et au vu de toutes les éloges qu'ils faisaient d'elle dans ses lettre, elle comprit le drame qu'elle subissait.

- So war sie es, in deinem Herzen einen Platz genommen hat? (alors c'est elle qui a pris ma place dans votre coeur ?) grogna-t-elle en s'adressant à son compagnon

Malgré l'incompréhension de la langue, Mme de Marquet vit bien au ton qu'elle employait qu'elle ne se réjouissait guère de la revoir.

M. Böttger tenta de rien laisser paraître et déforma totalement ses dires en affirmant :

- Beth a encore fait des siennes... Comprenez que le voyage a été difficile pour elle aussi !

Eléonore soupira et roula des yeux.

- Und dazu haben Sie sich in eine meiner alten Freundinnen verliebt. ( et en plus vous êtes tombé amoureux d'une de mes anciennes amies !)

Embarrassée, Mme de Marquet la fit entrer dans sa demeure où on servit eaux rafraichissantes et quelques confiseries pour la petite.

Eléonore contempla les grands rideaux rouge sang ornés de filaments en or. Le style français ne lui avait réellement pas manqué.

A l'aide de sa cuillère, elle fit de son breuvage un tourbillon. Elle respirait fort et ne cessait pas de fixer d'un mauvais œil Mme de Marquet.

Prodigieux Souvenirs [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant