Chapitre deux

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Quand il se réveilla en sueur, Gerard était par terre. Il avait encore rêvé de son frère. Sauf que cette fois, c'était pire que d'habitude. En général, il le voyait debout, parfois il s'approchait, mais il restait la plupart du temps passif. Alors que là, Gerard assistait à un bain de sang. Mikey saignait de partout, il criait son nom le suppliant de l'aider, mais il ne pouvait évidemment rien faire. Il ressentait une forte douleur à la tête et au dos. Il prit une aspirine, puis s'habilla. Il n'avait pas envie de se doucher ce matin. Il mit ses écouteurs et monta dans le bus. Aucun siège n'était libre, il fit donc le trajet debout. Quand le véhicule passa devant le parc, il décida de descendre. Il attendit que le bus arrive à son arrêt, puis sorti. Il allait sécher aujourd'hui, mais cela n'avait rien d'anormal. Il séchait à peu près une demi-journée par semaine. Parfois il restait simplement dans son lit, d'autres jours il errait sans conviction dans la ville, comme un zombie.

Mais aujourd'hui il devait refaire son stock. Cette fois, il n'avait pas envie simplement de cocaïne : il décida de se trouver un autre dealer que son habituel. Il voulait quelque chose de dur. Il voulait oublier son cauchemar, voire même, en finir. Il allait là où il savait qu'il y avait les dealers. Il en connaissait plusieurs, du fait qu'il en ait été un lui-même. D'habitude, il allait vers celui qui était près du lycée, mais il ne vendait presque rien. Juste de la coke. Il en trouva alors un qu'il connaissait de vue. "Tu sais où je peux trouver la pire merde du coin ?" demanda Gerard. "Ouais, lui répondit le dealer, c'est ici." Il lui refila un paquet et Gerard ne prit même pas la peine de regarder ce que c'était. Il lui donna l'argent qu'il demandait en échange puis parti les mains dans les poches, serrant son sachet. Il regardait le sol, le regard vide. Il se dirigeait vers nul part, cherchait un endroit où consommer au calme. Il entendait une voix familière l'appeler, mais il savait que ce n'était personne. Il s'agissait de la voix de son frère. Il se retourna tout de même, sans savoir pourquoi. Peut-être espérait-il le voir, au croisement de la route plus loin. Ça lui faisait souvent ça. Il ne saurait dire si c'était parce que Mikey était mort ou parce qu'il était malade.
Il se retourna pour continuer son chemin quand il entra en collision avec quelqu'un. "Désolé..." fit-il. "C'est ma faute, répondit l'inconnu. C'était un adolescent d'à peu près le même âge que Gerard. T'as fait tombé ça... dit-il en se baissant pour ramasser le petit paquet. C'est quoi ?" "Ça te regarde pas, rends-le moi." "Mec, te fous pas là-dedans..." "Rends-moi ça, s'énerva Gerard. C'est quoi ton problème ?!" "Tu t'en fiches de mon problème, dit-il alors que son regard s'assombrissait. Tout ce que tu veux c'est ta merde. Tiens, fous-toi en l'air. Crève." L'inconnu jeta la drogue au sol. Gerard la ramassa puis se releva doucement.

Il observait ce garçon partir loin de lui d'un pas décidé. Il avait essayé de l'aider, et il l'avait envoyé balader. C'était son gros problème. Il ne demandait qu'à ce qu'on le sorte de son cercle vicieux, mais il se comportait mal avec quiconque avait le malheur de s'approcher trop près. Il voulait aller s'excuser auprès de cet inconnu, mais il était déjà trop loin. "Tant pis" pensa Gerard. Cependant, il allait rentrer chez lui, cacher son sachet sans le consommer. Il voulait reparler à ce garçon, au moins pour s'excuser, alors si c'était si dur que ça comme drogue, il préférait attendre. Il se contenta de se prendre une bière dans le frigo. Il décida d'aller au lycée l'après-midi. Il mangea ce qu'il trouva dans le frigo, puis parti à l'arrêt de bus.

Quand il arriva au lycée, il respira encore profondément. Cet après midi, il avait trois heures de cours. Anglais, histoire et mathématiques. Il n'arrivait déjà pas à se concentrer d'habitude, mais étrangement le garçon de ce matin refusait de quitter ses pensées. Il pensait à sa dernière phrase : "Tu t'en fiches de mon problème, tout ce que tu veux c'est ta merde." Tu t'en fiches de mon problème. Il avait semblé étrange à la prononciation de cette phrase. Peut-être avait-il vraiment un problème ? Gerard n'arrivait pas à se faire à l'idée que quelqu'un subisse une peine aussi grande que la sienne, cela devait sûrement être moins grave.

Cela dit, sans lui il aurait peut-être fini son sachet de qu'il avait définit être de l'héroïne. Il s'attendait à bien pire, ce n'était pas énormément plus dangereux que la cocaïne, mais il était prêt à s'envoyer tout le sachet d'un coup, et ce n'était pas très sain. Il se fixa alors de le retrouver pour le remercier - après s'être excusé. Mais en attendant, il était encore coincé au lycée. La sonnerie retentit : il ne lui restait plus qu'une heure de mathématiques. Il griffonnait dans son cahier, des traits, des courbes, rien qui n'avait à voir avec les maths. Il avait un réel don pour le dessin. Il ne lui semblait pas dessiner quoi que se soit en particulier, jusqu'à ce qu'à la fin de la leçon, Andrew Vandecamp prenne son cahier : "Eh, Gerard, c'est un beau garçon que tu nous a dessiné là ! C'est ton copain ? demanda-t-il en rigolant. Forcément, aucune fille ne veut de lui, alors il se rabat sur les garçons, ce pédé !" Sans s'en rendre compte, il avait fait un portrait de l'inconnu de ce matin. Pas précis, certes, mais ressemblant, il fallait l'avouer. Il reprit brusquement son cahier des mains de Vandecamp. Non, ce n'était pas le copain de Gerard, et il n'était absolument pas gay. Bien qu'il n'ait pas été amoureux depuis longtemps, il n'a jamais aimé un garçon. Il partit en silence, se dépêcha de rentrer chez lui et s'écroula sur son lit. Il n'avait toujours pas de cocaïne, et il ne voulait pas se laisser tenter par l'héroïne. Il prit alors une bouteille de Vodka et en vida la moitié, avant de s'endormir.

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17.11.16, 22:12

The Only Hope For MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant