Chapitre seize

80 9 1
                                    

Comme il s'y attendait, au bout d'une semaine, tout le monde avait commencé à lui prendre la tête sur sa soi-disant homosexualité. Gerard aurait voulu réussir à les ignorer, mais quand tous les élèves du lycée s'en prennent à la même personne, ça devient vite compliqué. Surtout que la plupart ne s'empêchaient pas de glisser des mots ou des photos trafiquées dans son casier, même de les coller partout dans le collège et dans la cour. Quand ça devenait trop dur, Gerard se réfugiait dans les toilettes, mais même là il n'était pas tranquille. Seule Celyn le laissait seul, en fait elle s'efforçait d'oublier son existence.

Il ne voulait pas embêter Frank avec ces histoires, alors il ne l'avait pas revu. Il pensait lui rendre visite le samedi, juste pour le voir un moment.

*****

Vendredi après-midi, en sortant de sa dernière leçon de math, quelqu'un l'attendait derrière la porte et l'attrapa par l'épaule pour le plaquer contre le mur. Gerard fermait les yeux et serrait les dents. "Gerard, c'est quoi ?" Il ouvrit les yeux pour voir une de ces affiches qui étaient placardées partout. Il ne voyait pas le visage de la personne qui la tenait devant le sien, mais il reconnaissait sa voix et sa petite taille. "C'est rien Frank..." "Tu plaisante ?! dit-il en baissant la feuille pour plonger son regard au plus profond de celui de son ami. Y en a partout !" "Déjà tu fais quoi là ?" "Je voulais te faire une surprise, heureusement que je suis venu ! Tu me l'aurais pas dit sinon, hein ?" Gerard se sentait obligé de garder la face tant qu'il était encore dans l'établissement, alors il ne répondit pas ; il aurait fondu en larme. "Viens, on va chez moi" imposa Frank. Ils marchèrent côte à côte jusqu'à ce qu'ils se soient un peu éloignés. Ils n'allaient pas prendre le bus avec les autres, ils rentreraient à pied. Chacun les mains dans les poches, Gerard avait enfoncé son capuchon sur sa tête pour que personne ne voit les larmes qui menaçaient de couler. Il entendait tout le monde autour se moquer de lui et de son "petit-ami", il se contentait de leur montrer son majeur. Il savait bien que Frank avait voulu lui faire plaisir, mais il n'avait fait qu'empirer la situation, il l'avait d'ailleurs compris. Il culpabilisait énormément, regardait Gerard retenir ses pleurs. Il voulait le prendre dans ses bras pour le réconforter mais il devait attendre.

Il marchèrent en silence jusque chez Frank, puis Gerard s'assit machinalement sur le sofa, les yeux dans le vide, sous sa capuche qui les couvrait à moitié. Il se tenait les mains, Frank s'assit à côté et ôta le capuchon des cheveux mi-longs de son ami, ce qui le fit reprendre ses esprits. Il se tourna dans la direction de Frank qui entoura délicatement son visage de ses mains pour essuyer ses yeux, puis l'enlaça silencieusement, pendant plusieurs minutes. "Tu veux m'expliquer ?" demanda-t-il au bout d'un moment, mais Gerard se contenta de le serrer un peu plus fort. Il ne voulait pas lui raconter qu'il se faisait traiter de "pédé" à cause d'un simple portrait... Il lui dirait peut-être plus tard. "Tu veux rester ici ce week-end ?" Gerard acquiesça. Ils restèrent ainsi jusqu'à ce qu'il ait entièrement cessé de pleurer et passèrent la soirée tranquillement sans en reparler.

Puis vint le soir. Ils se posèrent sur le lit et Frank décida qu'il obtiendrait des réponses coûte que coûte, pas par égoïsme mais purement pour l'aider. "'Way = gay?' 'Gerard le pédé ?' Qu'est-ce qu'il se passe ?" Gerard n'osait pas le regarder dans les yeux. "Rien... c'est juste que... tu sais, ils ont toujours été contre moi depuis que Mikey est mort, ça va tu sais... j'ai l'habitude." "Gee, arrête de dire ça, ça me semble évident que c'est pas vrai. Pourquoi ils te traitent de pédé ? Ça vient pas tout seul..." "Pour rien, c'est juste... Gerard hésita. Un portrait..." "Quoi comme portrait ?" "C'était en math, j'avais l'esprit ailleurs et je faisait même pas gaffe à ce que je faisait de mon crayon, c'est Vandecamp qui m'a fait remarquer que... euh... c'était toi... et du coup il s'imagine que je suis amoureux de toi, mais c'est pas vrai hein..." La lumière que Frank avait toujours eu dans les yeux quand il était avec Gerard diminua alors qu'il baissait le regard. "Et... et t-tu es g-ay ?" trouva-t-il tout de même le courage de demander. "Non... enfin, je sais pas, ça fait si longtemps que je ne sais plus ce que ça fait d'être amoureux, je sais plus... je me suis jamais posé la question..." À ces mots, les yeux de Frank s'éteignirent pour de bon. Gerard n'avait jamais vraiment envisagé pouvoir l'être, et il ne voulait pas découvrir qu'il l'était. À cause des autres, bien évidemment, cela n'aurait pas été un problème pour lui-même.

*****

Après ça, ils se déshabillèrent pour dormir. Gerard remarqua que c'était la première fois que Frank le faisait avant d'avoir éteint la lumière, et qu'il ne l'avais jamais vu sans un gros pull ou un gilet au paravant - sauf durant l'incident de la douche, mais il n'avait pas vu bien longtemps. Sans vraiment réfléchir à la cause, il vu sans en être sûr, à cause de la précipitation de son ami à éteindre la lampe de chevet, des traits sur ses avant-bras. Comme Frank avait été très rapide, Gerard ne pouvait être certain de ce dont il s'agissait, mais il espérait de tout son cœur que ce n'était pas ce qu'il pensait. Il lui demanderait le lendemain.

-----

21.02.2017, 13:29

The Only Hope For MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant