Chapitre vingt-trois

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Gerard était rentré avant la nuit. Comme sa relation avec Frank semblait devenir vraiment sérieuse, il décida de prendre son courage à deux mains et de l'annoncer à ses parents. Il avait soudain ressenti le besoin de le faire savoir à tout le monde, il ne savait pas pourquoi mais il ne voulait plus le cacher. Il savait qu'il ne pouvait le dire à personne à l'école, tout juste à ses parents. Il n'a pas fait part de ses intentions à Frank car il ne voulait pas qu'il s'inquiète.

Quand il arriva à la maison, le soleil commençait à peine à se coucher et au moment où sa peau entra en contact avec la poignée froide de la porte d'entrée, il regretta de ne pas être resté au calme avec Frank parce qu'il savait que ça allait crier dès qu'il serait entré.

"Bonsoir..." ça ne manqua pas. "GERARD !! C'est la dernière fois que tu nous ridiculise devant qui que ce soit ! Qu'est-ce qui t'as pris ?! T'étais où, hein ?" "J'étais... Gerard prit une grande respiration, puis soupira un grand coup avant de continuer : "... chez mon petit-ami." Un silence glaçant suivit. Puis, après de longues secondes de mutisme, c'est Donald qui parla en premier : "Comment ça, ton 'petit-ami' ?" Gerard regrettait d'avoir parlé, mais là il n'avait d'autre choix que de s'expliquer. "Je... je suis gay, j'ai un petit-ami et je l'aime." "Non, coupa son père. J'ai élevé un fils, pas une tapette. Tu es un garçon, tu aimes les filles. Ce n'est pas possible que deux personnes du même sexe soient amoureuses. On a été créés pour se reproduire, et deux garçons comme deux filles ne peuvent pas se reproduire ensemble. C'est impossible que tu soit homosexuel." "Gerard, continua Donna, tu ne dis ça que pour te rebeller, quel genre de fils es-tu ?" "Demandes-toi quel genre de mère tu es avant de me demander quel genre de fils je suis !" lança Gerard avant de s'enfermer dans sa chambre.

Une fois que la porte fut verrouillée, il éclata en sanglot. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Il savait très bien comment cela allait se passer, pourtant il l'avait fait quand même. Ce n'était même pas du courage, simplement de l'insouciance ou au mieux de la naïveté. À ce moment précis, Gerard commença à comprendre qu'il ne serait jamais accepté au sein de sa seule famille. Mikey ne l'aurait jamais rejeté, lui. Il l'aurait supporté. Ses parents aussi, sûrement, à l'époque. Encore une fois, son frère lui manquait terriblement. Il était à nouveau seul dans sa chambre avec pour seule compagnie la mygale de son petit frère décédé. Et les bouteilles. Il aurait certainement dû s'en débarrasser.

Il se détestait d'être détesté des siens.
Il se détestait de ne pas être capable de donner à Frank ce qu'il voulait.
Il se détestait de croire que tout était possible alors que tout semblait vouloir les empêcher d'être heureux ensemble.
Il se détestait d'être différent des autres.
Il se détestait d'être gay.

Il voulait sentir à nouveau ce que ça faisait de ne pas se détester, sentir la chaleur dans sa gorge. De perdre le fil de la réalité.
Il commença par la dernière moitié d'une bouteille de whisky. Ca lui piquait légèrement la gorge, ça faisait un moment déjà qu'il n'avait pas retouché à l'alcool. Il enchaîna avec un peu de vodka. Il était assis sur le parquet de sa chambre, appuyé sur le bord de son lit. Il balança la bouteille de whisky vide contre le mur et elle se brisa, envoyant des bouts de verre un peu partout dans la chambre. Il finit celle de vodka qui était pourtant quasiment pleine. Il continuait de pleurer tout en fixant les débris reflétant la dernière lumière du jour. Il rampa comme il pouvait vers la zone où il y en avait le plus, saisit un des plus gros bouts. Il le regardait attentivement - du moins, le mieux qu'il pouvait malgré les larmes qui brouillaient sa vue. Il l'approche lentement de son poignet. Sa main tremblait terriblement à cause de toutes les émotions négatives qu'il ressentait et parce qu'il pleurait. Il fit durer ce moment une éternité, il n'était pas sûr de ce qu'il faisait.

Quand la pointe du verre toucha sa peau, il s'arrêta. Il voyait trouble et ce n'était pas uniquement dû au fait qu'il sanglotait. Il serra le morceau dans sa paume et commença à saigner, de plus en plus. Il lâcha alors le verre et prit encore un peu d'une bouteille de quelque chose, sans faire attention à ce que c'était. Puis il décida de partir de la maison. Il ne pouvait pas sortir par la porte d'entrée du fait que ses parents étaient sûrement sur le chemin, alors il tenta de descendre par la fenêtre. Elle n'était pas trop haute par rapport au sol, d'autant plus que le terrain était en légère pente, ce qui le rendait encore plus proche. Il sauta alors, mais au moment de toucher le sol ses jambes le lâchèrent. Il se retrouva à plat-ventre sur l'herbe sèche de son jardin. Il mit du temps à se relever, de plus il n'avait rien à quoi s'accrocher. Quand enfin il se retrouva sur ses deux pieds, il vomit. Juste un peu. Puis il commença à marcher, déambulant vers nul part. On l'aurait facilement pris pour un mort-vivant, c'était un peu ce qu'il était après tout.

Il marchait, tombait, se relevait avec toujours autant de difficulté. Parfois, des gens passaient. En le voyant, tous changeaient de trottoir. Tous, sauf quelques uns. Un groupe de garçon marchait nonchalamment en sa direction, parlant et riant, sans regarder qui était au chemin. Gerard tomba encore une fois. Il faillit se faire écraser, mais l'un des jeunes adultes réagit avant : "Gerard ?! Qu'est-ce que tu fais là ? Ça va ?" Gerard ne répondit pas, il n'était pas sure de ce qui se passait. Ça ressemblait à un rêve. Il était à moitié inconscient. Il commençait à entendre de moins en moins et il était incapable d'ouvrir les yeux. "Gerard ? Oh mon dieu il a recommencé. Aidez-moi les gars..." Puis il perdit complètement conscience.

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Quand il se réveilla, il eut du mal à savoir où il était. C'était un endroit qu'il connaissait, mais il n'était pas capable de se rappeler quoi que ce soit d'autre. Les choses se remettaient lentement en place dans sa tête. Il tenta d'appeler pour voir si quelqu'un était là, mais seul un gémissement maladroit parvint à sortir de sa bouche. Un instant après, une main saisit brusquement la sienne et pressa fort. "Tu es réveillé !" fit une voix près de l'oreille de Gerard. C'était une voix qu'il aimait.

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17/05/2017, 23:04

The Only Hope For MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant