Chapitre trente

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La leçon de math de Mme Mallow était plus ennuyante que jamais. Tous ces chiffres, ces lettres, ces symboles, Gerard ne s'y retrouvait pas. Il était en train de dessiner sur la feuille du deuxième exercice de la matinée quand on frappa à la porte. De la chaise sur laquelle il était assit, il ne pouvait pas voir à qui la professeure parlait à travers le cadre. Mais elle se retourna, balayant la classe du regard, s'arrêtant sur son visage pâle et dit : « Way, un cousin vous demande. C'est urgent, un problème de famille apparemment. Je vous donne cinq minutes. » Gerard ne savait pas ce qui se passait. Il n'avait qu'un cousin qu'il connaissait plus ou moins, et il habitait dans une autre ville. Il ne savait pas ce qui aurait pu le pousser à venir à Belleville, qui plus est jusqu'au lycée, et à interrompre le cours. Il se leva, hésitant, laissant ses affaires en plan sur sa table, et quand il était assez proche de la porte pour apercevoir son cousin, il se rendit compte que ce n'était pas son cousin.
« Frank ?! » Le plus petit lui fit signe de se taire et attrapa son poignet, l'entraînant plus loin, jusqu'à se mettre à courir en dehors du lycée, jusqu'à la voiture qui attendait dehors. La portière arrière était restée ouverte, Frank y poussa Gerard et monta par le même côté. Ray, qui était au volant, démarra avant même que le plus jeune des trois n'ait fermé la portière. « Fra- Salut Ray, Frank, qu'est-ce qui ce passe ? Qu'est-ce que vous faites ? » « On te kidnappe ! » ironisa le frisé, sans complètement mentir. « Bordel tu m'as manqué. J'ai eu tellement peur tu peux pas savoir ! » « À quel moment vous comptez m'expliquer ? » « Deux secondes, d'abord j'aimerais- » Il ne prit pas la peine de finir sa phrase tant il avait envie d'embrasser Gerard. Ses lèvres avaient le goût amer de tabac, mais ce n'était pas ça qui allait le déranger.
Le baiser était long et si fort qu'il arracha une goutte salée à l'œil de Gerard. L'éternité qui les séparait s'était enfin évaporée, presque comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Ils se promirent sans un mot que cela n'arriverait plus. Il se le promettaient avec les mains, les bras, les lèvres.
Quand Frank se retira pour donner ses explication, il appuya sa tête contre l'épaule du plus grand, malgré les secousses de la voiture. « J'espère que tu ne vois aucun inconvénient à ce que je t'enlève à ton lycée et tes parents, commença-t-il. Mais si tu veux, on te ramène. » « Ça va pas la tête ! Jamais tu me ramènes, maintenant qu'on est enfin ensemble. Mais... pourquoi t'as fait ça ? » « Je sais pas, je crois que t'avais besoin d'aide. C'est bizarre mais- mais je le sentais, je crois... enfin, au creux de mon ventre, 'y avait comme un trou- oui ou une boule plutôt. Enfin, je sais pas trop. Je le sentais, c'est tout. Même si d'un côté je me disais que t'étais peut-être passé à autre chose ou je sais pas, que je te manquais pas tant que ça, et que t'étais pas si mal comme ça, enfin, je crois que je savais que c'était pas le cas. C'est bizarre. J'espère que j'me suis pas trompé ? » demanda-t-il, levant les yeux vers son copain. Gerard, regardant toujours devant, ne répondit d'abord rien, puis, plaçant une main sur celle de Frank, il chuchota : « Je t'aime. »

Ils arrivaient en dehors de la ville quand le réservoir d'essence s'affichait presque vide. Ray conduit jusqu'à la station la plus proche, puis demanda à Frank de conduire car il était fatigué, il ne s'était pas couché tôt. « Tu sais conduire ?! » s'exclama Gerard. « Euh... un peu... pas vraiment bien mais je sais tourner et plus ou moins changer les vitesses. » « Mais ça va ici, dit Ray, 'y a pas trop de gens et la route est encore droite. C'est pour ça que je lui propose. » « Comment ça se fait ? Enfin, t'as appris quand ? » « Bah, hier, et un peu avant-hier aussi. C'est Ray qui m'a appris. » « Comment ça se fait ? » « Au début, il était pas vraiment intégré dans le plan. C'est lui qui s'est proposé de venir, il voulait pas que je parte sans lui. Moi non-plus bien sûr, mais j'avais pas prévu qu'il vienne. Et puis, c'est vrai que ça m'arrange qu'il conduise et que j'aie pas à voler la voiture de ma mère. C'est pratique, un meilleur ami qui a une caisse. » Gerard, choqué, ne sût pas quoi répondre. Il ne pensait pas que son petit copain aurait été capable de voler la voiture de sa propre mère pour lui.
Frank passa devant, et Ray proposa à Gerard de s'assoir à côté. « Sinon, dit ce dernier, vous comptez me dire à quel moment où on va ? » Les deux autres se regardèrent, puis regardèrent Gerard. « Quand on saura...? » avança le plus jeune des trois. « Vous voulez dire que VOUS AVEZ PAS DE PLAN ? Pas d'endroit où dormir ? EST-CE QU'AU MOINS VOUS AVEZ DE L'ARGENT PARCE QUE J'ÉTAIS PAS VRAIMENT AU COURANT MOI, J'AI RIEN PRIS HEIN !! » Gerard paniquait. Cela l'angoissait terriblement de ne pas savoir comment la suite allait se dérouler. « Pas de panique Gee, on va improviser. Sinon, on peut toujours te ramener chez toi- » « NON! » « On a pas vraiment de plan, mais on peut dormir dans la voiture ou trouver un motel pas cher, on a quand même pensé à prendre de l'argent. Et puis, rien ne nous empêche de se trouver un petit job et puis on verra » s'empressa de le rassurer Ray. « C'est l'aventure ! » ajouta Frank. « En gros on va jouer aux SDFs ? » « Bon, c'est sûr que présenté comme ça, c'est pas très excitant, mais tant qu'on est ensemble, c'est déjà ça, non ? » dit Frank en souriant. « Si. Je ne veux rien de plus. »

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19.01.2018, 09:39

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 26, 2019 ⏰

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