Dangereusement Engagés [Boy x Boy]

Chapitre 21

Dimanche 18 février – Noé

Je ne savais pas ce qu'il m'avait pris, je ne comprenais pas ce que j'avais fait, pas plus que les raisons qui m'avaient poussé à le faire. Lorsque j'étais sorti de ma chambre, c'était troublé au plus haut point, désorienté. Je ne savais plus comment réagir. Je ne savais plus comment j'étais censé réagir. Avec Lane et Luke, nous avions décidé de faire un tour dans Los Angeles, pour visiter le centre-ville, et errer dans les rues d'Hollywood. Mon frère gardait espoir de rencontrer quelconque célébrité, et pour lui, rencontrer un des acteurs les plus connus du pays était une évidence. Mais comment aurais-je pu lui dire que j'étais ami avec Shea Hardy depuis bien longtemps et qu'à part pour les tournages, il ne venait jamais dans le quartier. A vrai dire, il servait de caméraman à Ernest, mais il jonglait également avec les studios cinématographiques, comme il se présentait dans des films. Le dernier dans lequel il avait joué en tant qu'acteur principal avait été sa meilleure performance, et ç'avait été un grand succès. Luke était en admiration devant son jeu théâtral, et il n'était pas au courant que Shea était en fait l'un de mes collègues. Nute nous avait suivis avec Anna et Aaron mais il trainait derrière avec Lane, qui discutait tranquillement avec lui. Ils avaient semblé décidés à nous laisser entre frères. Mais je n'allais pas les contredire. Cela faisait bien trop longtemps que je n'avais pas parlé à mon cadet sans autre présence.

Et puis je n'avais pas envie de parler avec Nute. Je savais qu'une discussion s'imposait, qu'il fallait que nous nous expliquions. J'avais entendu tout ce qu'il avait dit lorsque j'étais dans la salle de bain. Il était vrai que nous n'étions pas du même univers, qu'il était fiancé, et même, nous vivions à deux endroits complètement séparés. Et cela ne pouvait signifier qu'une idylle éphémère, qui se terminerait à la fin de la semaine. En fait, une fois que les enregistrements seraient complètement achevés. Mais j'avais l'impression de faire la plus grosse erreur de ma vie. J'avais déjà ruiné un couple, en l'occurrence celui de Miles. Je ne voulais pas reproduire cette bêtise, et surtout, je ne voulais pas faire souffrir quelqu'un d'autre. Nute m'avait dit qu'il voulait rompre avec Alexy... Etait-ce de ma faute ? Etait-ce à cause de moi ? De ce qu'il ressentait pour moi ? Non, au fond, il ne devait rien ressentir pour moi. Je n'étais qu'une image brève dans son esprit, un ami avec lequel il pourrait éventuellement prendre du bon temps. Il ne devait pas casser avec son fiancé. Je devais l'en empêcher. Mais comment pourrais-je faire cela sans m'effondrer ? Comment pourrais-je faire cela sans me mettre à pleurer pour la énième fois, et sans passer par une phase de déprime ?

Déjà, il me restait à savoir pourquoi je m'étais attaché à Nute. Je savais pertinemment que lui et moi, ce ne serait jamais possible. Non pas parce que nous étions du même sexe –je devais encore me faire à l'idée que j'étais attiré par les hommes- mais parce que nous n'étions pas du même milieu, et que rien ne pourrait fonctionner. Rien n'était aussi simple que cela. Luke et Lane avaient vécu des choses tellement difficiles ensemble, et je ne voulais pas connaître cela. La détresse n'était pas le sentiment prioritaire. Il fallait que je reste la tête sur les épaules, que je reste avec mon éternelle bonne humeur, ou du moins d'apparence. Pourquoi rien ne pouvait se passer facilement ? Pourquoi fallait-il toujours qu'on dresse des limites devant soi ? Mon erreur avait été de m'attacher à Nute. Maintenant j'en payerais forcément les conséquences, tôt ou tard. Lorsqu'il rentrerait à Washington, déjà, j'allais souffrir. J'avais pris l'habitude de l'inviter chez moi ou de le rejoindre à l'hôtel –même si c'était beaucoup plus rare- et donc de le voir régulièrement. Là j'allais ressentir un immense sentiment de solitude lorsqu'il disparaîtrait. Et je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. J'avais su, dès le départ, que l'attachement était la pire des choses. Et puis, il me fallait me consacrer à ma profession. Je n'avais de place pour personne dans ma vie.