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Tout est froid et sombre.

J'ouvre difficilement les yeux et autour de moi règne la pénombre. Je me redresse malgré des chaines m'entravant les poignets.

Derrière moi, un grincement sinistre, je me retourne et distingue la silhouette d'un homme dans l'encadrement de porte. Il entre et déclenche l'éclairage qui nimbe la petite cellule d'une lumière blafarde.

- hé bien hé bien hé bien, qu'avons-nous là ?

L'homme de taille moyenne aux vêtements aussi crasseux que son visage vrille sur moi un regard sans équivoque. Il se passe les doigts dans les cheveux avec un immonde sourire qui s'étire sur ses lèvres inexistantes.

- On va faire connaissance tous les deux, tu veux bien ? Je suis Cam et toi ton p'tit nom ?

- ... Un regard haineux : va crever !

- Ok. Levant les mains. Tu veux passer directement aux préliminaires ! Ça me va !

Il pose son couteau sur une chaise près de la porte d'entrée puis retire le ceinturon de cuir qu'il porte à son jean, le faisant glisser doucement entre ses mains.

Se rapprochant du fond de la pièce dans ma direction, à pas lents et assurés sans se départir de son petit air d'autosatisfaction, il récupère la chaine et la bloque un peu plus encore de sorte que mes paumes viennent se poser à plat contre la paroi humide me contraignant à lui tourner le dos complètement.

Quelque chose de glacé vient se poser contre ma nuque, sa pointe menaçant de me blesser puis glisse en travers de mon débardeur dans une lente descente jusqu'à mon pantalon découvrant ainsi la peau de mon dos peu à peu.

- J'espère que tu vas prendre ton pied au moins autant que moi ma belle. Son haleine fétide au creux de mon cou.

Je serre les dents.

Il tend la ceinture entre ses deux mains, je peux entendre le craquement du cuir.

Dans un sifflement, la lanière fouettant l'air à une vitesse extrême, vient se ficher dans ma peau me tirant un hurlement de souffrance, les larmes me montant aux yeux instantanément. Quand il la retire, je peux sentir le sang coulé contre ma peau à vif.

Il répète le geste encore et encore, le temps semble s'être arrêté, la douleur devient presque obsolète tandis que mon esprit s'évapore.

Mes jambes se dérobent sous moi et je me sens partir. Le bruit de la chaine me ramène.

Le monstre vient de libérer ma chaîne et me traîne au milieu du réduis puis me redresse sans douceur.

- Passons aux choses sérieuses. C'est pas souvent qu'on me garde le plus beau lot et je compte bien en profiter. Pour lui-même plus que pour moi.

Les larmes continuant de couler au travers de mes paupières, il pose sa bouche baveuse sur la mienne brutalement agrippant de ses doigts mes cheveux.

Je l'entends défaire son froc et je me réveille clairement à ce son.

J'ouvre en grand les yeux et sans lui laisser le temps de réagir, je passe mon poignet droit derrière sa tête, entravant ainsi de ma chaîne sa gorge qu'il essaie déjà de retirer sans succès.

Me laissant tomber de tout mon poids contre lui, j'agrippe dans mes mains l'acier pour assurer un peu plus encore ma prise ne ressentant aucune douleur aux menottes me meurtrissant les poignets.

Nous tombons, lui sur moi, ses grands bras tentant de m'agripper, ses pieds raclant le sol en vain mais son souffle n'est déjà plus qu'un souvenir. Son cri s'étouffe dans un gargouillis désespéré.

- Haletante mais tenant bon, je lui souffle : Je m'appelle Yas, connard !

Quelques minutes plus tard, il est mort.

...

J'ouvre les yeux, autour de moi, l'aube se lève.

Me redressant entre des draps propres, je me rappelle enfin où je me trouve. La maison d'Aaron.

Je me lève et me dirige vers la salle de bains, ouvrant le robinet, je souris à l'eau qui coule comme si tout était comme avant puis me rince le visage.

Je regarde la jeune femme me faisant face dans le miroir, les traits fatigués. Réunissant mes cheveux dans une queue de cheval, mon regard se pose sur mes poignets où on peut distinguer les boursouflures laissés par les entraves. Des cicatrices.

Je soulève ma chemise et observe dans le reflet ma peau marquée d'une multitude de stigmates encore rouges et la douleur me revient en mémoire m'arrachant des larmes.

Tout à coup, j'ai besoin d'air. Sans un bruit, j'enfile ma parka et descend rapidement sur le perron à l'avant de la maison respirant profondément dans la brise matinale.

- Ça va ?

J'aperçois Daryl au milieu de la rue, il tient son arbalète sur l'épaule gauche et porte une chemise sombre doublée d'un veston de cuir sans manches. On distingue à peine ses yeux sous sa tignasse rebelle qu'il a mi- longue.

Il se rapproche et pose sa main sur mon épaule.

- Hé ça va ? répète-t-il plongeant ses prunelles vertes dans les miennes.

- Heu ouais ouais ça va ! J'avais seulement besoin de respirer, tu vois.

- Ouais je vois.

- Tu fais quoi dehors si tôt ? Réellement intéressée.

- J'allais chasser.

- Mm. On étouffe un peu ici, non ? Tout paraît trop normal ?

Son regard allant et venant comme s'il n'osait pas me regarder en face.

- Tu veux venir avec moi ?

Nos deux ombres se faufilent dans le brouillard du matin.

Nous marchons en silence à travers un bois de pin, lui en avant, moi le suivant, à l'affût du moindre bruit.

Après avoir réussi à débusquer deux lapins maigrelets, nous reprenons le chemin du retour.

Rompant le mutisme ambiant : Au fait, je me souviens de mon prénom.

Il jette un rapide regard en biais vers moi toujours avec beaucoup de pudeur.

- Je continue : Yas.

- juste Yas. C'est pas courant.

- Ouais juste Yas. C'est un diminutif. Ma sœur San et mes frères Ro et Gab, un jeu entre nous.

- Hésitant : Autre chose t'es revenu ?

- Me frottant les poignets : Mmmm nan rien d'autre !

Il garda le silence un moment.

- J'aime bien Darkly quand même ! Dans un sourire à peine visible.

- C'est toi qui vois. Après une pause. Ça me va aussi.

- A notre retour, je t'emmène chez Rick. Il veut te rencontrer. On a parlé de toi, tu sais, après la petite scène d'hier.

- Ok pas de problème.

Le reste du chemin se fait au rythme du chant d'éveil des oiseaux, nos épaules se frôlant à chacun de nos pas.

LA RAISONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant