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Il était aller l'enterrer seul, la mine renfrognée et l'esprit encombré d'un voile de colère.

Je sentais transpirer de chacun de ses pores la terrible et sourde destruction qui mûrissait et s'intensifiait d'heure en heure. Il avait pris sa décision et je savais que rien ne pourrait l'arrêter.

Ce que je ne savais pas en revanche c'était le quand.

Quand est ce qu'il partirait traquer sa proie ? Qu'il laisserait tout derrière lui pour peut-être ne jamais revenir. Me laisser moi au risque de me perdre dans les méandres de sa fureur.

Je ne faisais aucun poids dans la balance. Quelqu'un était mort sous sa protection et il ne laisserait pas cela passer sans vague.

Je l'ai observé à distance creuser la tombe de cette fille qu'il ne connaissait pas franchement. Il donnait des coups de pelle rajeurs sans un mot, le regard figé sur une image que lui seul pouvait voir. Personne ne pouvait l'approcher au risque de se faire envoyer bouler.

J'ai donc continué de vaquer à mes occupations en évitant de me morfondre dans ses remords. Enid récupérait doucement de sa grippe et était même sortie un peu sur la terrasse avec moi pendant quelques minutes mais le froid mordant la rapidement rappeler à l'ordre et elle s'est engouffré dans la douce tiédeur de la maison avec une évidente satisfaction.

- Mais il fait un froid de canard, bordel ! Elle se frotte les mains devant le foyer au doux crépitement niché au centre du salon.

- L'hiver s'installe. L'avantage, c'est que les morts vont se mettre en pause avec ce froid de canard et on sera moins sur le qui-vive. En prenant place sur le sofa, remontant les genoux sous mon menton.

- Comment va Daryl ? Enid m'interpelle tout en s'asseyant à mes côtés et se dégageant une place entre les coussins.

- A ton avis. Laissant mon regard s'appesantir sur les braises rougeoyantes. Il reste imperturbable et il fomente sa petite guérilla tout seul depuis que Rick lui a dit qu'ils n'entameraient pas de représailles.

- Qu'est-ce que tu vas faire ? Je veux dire tu vas le laisser y aller seul ?

- Que veux-tu que je fasse ? Braquant mes yeux dans les siens. Il n'écoute plus rien.

Elle soupire en tordant une de ses mèches entre ses doigts. Ses sourcils se froncent délicatement sous l'effet de l'inquiétude et cela ne fait qu'intensifier mon désarroi. Ma vision se trouble, des larmes viennent glisser au coin de mes yeux et lorsqu'elle les aperçoit elle vient se glisser contre moi, nos doigts s'entrelaçant familièrement.

- Je ne l'abandonnerais jamais, tu le sais même si cela inclut de devoir faire face.

- face à quoi ? Elle m'offre ses grandes prunelles où une intense terreur se loge insidieusement.

Elle paraît si fragile parfois. Et dans la lumière dansante de ses iris, je comprends que la seule solution sera de l'affronter lui et sa folie. Et je savais que cela arriverait tôt ou tard.

Mes pensées s'égarent dans le brouillard que m'inspire cet instant où je le reverrais.

La stupeur, le soulagement ou la rage. Que m'infligera-t' il pour l'avoir abandonné ?

...

- Il est parti, y a peut-être une heure maintenant.

- Quoi ? La peur envahissant le moindre espace libre de mon cerveau, raturant et déchiquetant mes entrailles d'un malaise grandissant.

LA RAISONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant