Chapitre 1: Survivante

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Mes doigts ne cessent de tapoter frénétiquement contre le sol crasseux, je stresse.

Pourtant ça ne devrait pas être le cas, je suis habituée.
Mes cheveux sont humides et poisseux de transpiration sur mes tempes tandis que l'atmosphère humide se fait étouffante.

Il ne devrait plus tarder à venir me chercher maintenant, c'est l'heure.

Je me passe les mains sur le visage plusieurs fois pur essayer d'enlever la crasse et le sang qui s'y sont incrustés. Et c'est quand je repose mes mains à plat sur le sol, de part et d'autre de mon corps, que des pas lourds se font enfin entendre au bout du couloir. Je me redresse lentement et une fois sur mes pieds vais me poster devant la porte.

Ce n'est pas la même personne que d'habitude, au lieu du petit bonhomme tout en muscle c'est un géant légèrement bedonnant qui vient me sortir de ma cage. Ça n'a pas d'importance, ce sont tous des enfoirés de clébards.

Il ouvre la porte dans un horrible grincement avant de me tirer rudement par le bras.

On emprunte le même chemin que d'habitude, au bout du corridor on tourne à droite puis à gauche et encore à gauche.
C'est arrivés au bout du dernier couloir aussi peu éclairé que les autres qu'il ouvre une lourde porte coulissante, en me tenant toujours fermement le bras.
D'un geste brusque il me pousse violemment à l'intérieur et referme prestement le battant derrière moi. Sans étonnement j'entends ensuite le bruit que font les verrous lorsqu'il les bloque.

Comme si j'allais m'échapper. Ce n'est pas comme si mes six précédentes tentatives avaient échoué.

Je me détourne de la porte et ferme les yeux sous les rayons trop vifs du soleil qui m'agressent.
Je ne vois que rarement la lumière du jour, seulement lorsqu'ils ont besoin de moi pour se divertir.

J'observe les alentours à la recherche de quelque chose qui me serait utile. A part la bassine d'eau posée sur le sol et le ridicule couteau suisse l'accompagnant rien d'autre ne se trouve dans le sas.
Je soupire en sachant que je ferais mieux de me dépêcher afin d'être prête pour ce qui m'attend dans une poignée de secondes.

J'entends déjà le brouhaha à travers la grille qui me sépare de cet enfer dont je ne peux m'échapper.
Je vois d'ici ces enfoirés entrain de parier sur ma survie. Ils se lèchent probablement les babines à l'idée de voir la souffrance sur les visages de ceux qu'ils considèrent comme des divertissements.

Je m'agenouille devant la bassine d'eau  à la propreté  plus que douteuse et plonge mes mains dedans pour ensuite me les passer sur le visage et sur la nuque.
Une fois un minimum débarbouillée  je saisis le minuscule  couteau et me redresse pour faire face à la grille qui ne tardera pas à s'ouvrir.

Les hauts  parleurs  se mettent soudain  à hurler, annonçant  l'arrivée  du moment fatidique :

"Chers spectateurs ! Pour votre plus grand enthousiasme, deux combattants  vont s'affronter  ce soir ! Ces deux guerriers n'auront d'autre choix que de combattre ou de périr !"

Cette partie là  du discours  je la connais par cœur. La voix grésillante et désagréable  continue :

"Notre premier parti n'est  autre qu'un métamorphe  reptilien il a à son compte 49 combats gagnés ! "

Des exclamations  enthousiaste se firent entendre  dans la foule quand son nombre de combats à mort gagnés  fut annoncé. La voix continua :

"Et notre deuxième  parti se trouve être une humaine ! Et oui, pour vous nous avons remué  ciel et terre pour vous offrir un combat inédit ! "

Des exclamations  de surprises se firent entendre cette fois au mot "humaine".

Ce n'est pas étonnant, ceux de mon espèces  se font  de plus en plus rares, les quelques survivants  vivent soumis à toutes ces créatures  monstrueuses ou se terrent  quelque part et prient pour ne pas être découverts.

Vous devez sans doute vous demander de quoi est ce que je  parle ? Et bien, en l'année  2069 une énorme guerre a  éclaté, les créatures surnaturelles se sont dévoilées  et alliés.
Les humains, ne pouvant concevoir de partager cette terre avec des êtres  aussi "repoussants" entrèrent  en guerre avec toutes ces races aux propriétés  magiques.

Vous vous dîtes surement que je mens, que déclencher une guerre mondiale par égoïsme et dégout des différences est excessif, mais réfléchissez bien, avant que tout cela n'arrive et que les êtres surnaturels ne soient dévoilés au grand jour,  ne nous faisions nous pas la guerre entre humains pour une couleur de peau, une religion différente ? La peur de la différence et de la perte de pouvoir nous poussent souvent à faire des choses sanglantes et inutiles.

Après  deux longues années  de guerre et de chaos aux quatre coins du monde la guerre se termina enfin.
Malheureusement les créatures s'avérèrent  être en surnombre par rapport aux humains et nous perdîmes  cette bataille.

Les survivants se firent tout petits et se plièrent aux volontés  de nos tortionnaires.
Désormais le moindre acte de rébellion  de notre part est puni  de la peine de mort.

Je suis une des rares humaines encore en vie à ne pas cacher ma haine de ces monstres.
Je suis arrivée  dans cet enfer à  la fin de la guerre, en 2071. J'avais 10 ans à l'époque, j'en ai désormais 19.

A mon arrivée  je contestais chaque ordre, et j'en  payais le prix.

Je savais déjà  que je ne retrouverais pas mes parents, je n'avais jamais connu ma mère qui était morte à ma naissance, quant à  mon père, il s'était sacrifié vainement   pour me protéger.

A la fin de la guerre, je me souviens que je vivais recluse avec papa dans notre maison située  en plein centre ville. A peine la victoire  des créatures déclarée, un nouveau  gouvernement  avait été  instauré, avec au pouvoir des loups garous.

Ces derniers souhaitaient tirer un trait sur la guerre après de tels massacres. Ils essayèrent d'instituer  des lois pour toutes races.

Cela fonctionna avec ceux qui souhaitent  vivre en paix et sans violence. Mais bien sûr  des failles apparurent  très vite, des créatures ayant  soif de sang  trouvèrent de nouveaux moyens d'assouvir leurs pulsions.

Certains s'attaquèrent aux espèces les plus faibles, celles incapables de se défendre et les massacrèrent. Les premières  victimes furent les humains.

Et d'autres trouvèrent un moyen que certains définiraient de plus jouissif. C'est à cause de ce moyen là  que je suis ici depuis neuf ans. Plus tard, il fût appelé "rafle clandestine" du fait que le nouveau gouvernement au pouvoir finit par l'interdire. Et cette manière d'étancher leur besoin de violence n'était autre que des enlèvements suivis de violences qui avaient pour but d'exporter des êtres vivants de différentes races dans des centres de combats dont aucun n'en revenait jamais.

Voilà donc pourquoi les humains commencent à se faire rares et que je me trouve dans ce maudit sas. La réalité me rattrape quand la grille s'ouvre en coulissant vers le haut. Je n'ai pas le choix, je ne l'ai jamais

Je m'avance pas à pas, mes rangers foulant le sables volatil. Des exclamations ne tardent pas à se faire entendre de tous côtés alors que je sens le soleil chatouiller ma peau abîmée. Le champs de force qui me sépare de mon publique ne m'empêche pas de voir les regards sadiques et avides de souffrance fixés sur moi, dont la plupart appartiennent à ces bâtards de loups garous.

La grille ne tarde pas à se refermer dans un raffut horrible. Devant moi se tient celui qui doit être le métamorphe.

Il fait partie de ceux qui s'en fichent d'être utilisés comme des esclaves et qui n'ont qu'une seule pensée, mettre à mort. Je le vois dans son regard, j'ai appris à lire ce genre de choses sur le visage des gens. Dans ce milieu de sauvages où l'on prône pour la violence, mieux vaut savoir déchiffrer les intentions et ne faire confiance à personne.  Les dents serrés et le visage impassible,  je me tiens droite, je suis prête à survivre, comme chaque jours de ces neuf dernières années.

Âme sœur née du malheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant