Chapitre 6 : virée au capitole

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C'est le manque d'air subite qui me tire du sommeil dont j'avais tant rêvé. Une douleur sourde résonne dans chaque parcelle de mon corps, mon souffle se fait hérétique, je suis mal à l'aise, enfouie dans cette couverture trop épaisse. J'ai perdu l'habitude d'avoir du confort depuis de nombreuses années déjà.

Je m'assieds au bord du lit, les jambes tremblantes. J'ai du mal à me remettre debout, j'ai chaud, j'ai froid, j'ai mal. En titubant j'avance dans l'obscurité, cherchant à taton la porte de cette fichu salle de bain.

Quand enfin je parviens à la trouver je m'affale dessus, à bout de forces. Après avoir appuyé sur la poignée je m'écroule de tout mon long sur carrelage gelée. Je reprends mon souffle avec de grandes inspirations saccadées, la faiblesse me maintient dans une paralysie partielle, mes muscles ont été trop malmenés pour fonctionner .

Au bout de quelques minutes, je commence à ramper minablement sur le sol. Je grappille centimètre par centimètre et au bout de ce qui semble être une éternité j'arrive enfin à agripper le rebord de la baignoire.
Avec toutes les peines du monde je me hisse et me laisse tomber lourdement dans le fond de la baignoire. Mon souffle déjà fragile se coupe sous le choc. Ma vue se fait trouble, mon corps tremble, avec difficulté j'actionne le levier et un jet d'eau glacée s'échoue sur mon visage. Mon bras retombe brusquement et mes yeux se ferment.

La froideur de l'eau me régénère, la faiblesse et la douleur refluent petit à petit.

Cela doit faire plus de deux jours que je n'ai pas mangé, mon corps, déjà chétif, manque de forces. Les combats et les blessures récoltées ont achevé de grignoter le peu de ressources que j'avais. Je suis à bout. J'ai faim, j'ai mal, et je suis épuisée. Encore un peu et je sombrait dans l'inconscience. Je ne suis plus qu'une loche, un pantin presque sans vie.

Simultanément au long soupir que je lâche, j'entends la porte de la chambre s'ouvrir avec fracas. Un dixième de seconde plus tard ce n'est autre que le formidable con qui arrive en courant devant moi. Il porte finalement son regard sur moi, je vois différentes expressions défiler sur son visage : d'abord de l'inquiétude, puis de l'effarement et finalement de irritation mélangée  à ce qui me semble être du soulagement.

C'est avec emportement qu'il s'exclame enfin :

-Qu'est ce que tu as fabriqué bon sang !? T'as pas idée de la peur que j'ai eu !

Je ne sais pas quoi répondre, son expression sincère voudrait elle dire qu'il s'est inquiété pour moi ? Impossible c'est un loup. Et puis comment a-t-il su que je n'allais pas bien? 

Maintenant  que j'y fais attention les traits de son visage sont tendus à l'extrême, une barbe naissante encadre  sa mâchoire et d'énormes cernes s'étendent sous ses yeux. Je ne veux pas l'accepter, je ne veux pas me l'avouer, mais mon cœur s'alourdit lorsque je le vois dans cet état.

Voyant que la réponse qu'il attend n'arrive pas il lâche un grognement énervé. Puis sous mes protestations il se penche et enfonce ses deux bras dans la baignoire et passe une main dans mon dos et l'autre sous mes genoux. Sans le moindre effort il soulève mon corps trempé qui paraît minuscule  dans ses bras et sort de la salle de bain.

Avec une délicatesse qui m'insupporte il me dépose sur le lit. Je l'observe,  sans rien dire, passer sa grande main dans ses cheveux, jusqu'à  ce qu'il m'ordonne :

-Repose toi le temps que j'aille te chercher de quoi manger.

Puis il sort avec empressement. Je ne comprends vraiment pas la manie qu'il a à me protéger. A sa place je n'aurais pas levé le petit doigt. Il doit attendre quelque chose en échange, c'est la seule explication, et quoi qu'il ai en tête je suis bien décidée à ne rien lui accorder.

Âme sœur née du malheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant