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Ceci est le récit de ma mère, Sylvie McAlester, étant donné que je n'étais pas là au moment des faits.

Ma mère s'était endormie sur son canapé, la télévision allumée et du pop-corn sur la table. Soudain, son téléphone sonna. Elle se réveilla en trombe, mais faillit s'évanouir sur place.

En face d'elle, de l'autre côté de la table et juste devant la télévision, se tenait Alvina debout, vêtue en infirmière. Elle avait une arme, pointée vers ma mère.

-On la ferme, et surtout, on ne s'agite pas.

Mais ma mère était trop apeurée pour hurler quoi que ce soit. Elle était en sueurs froide. Le téléphone sur la table n'en finissait pas de hurler et de vibrer.

-C'est lui, n'est-ce pas ?

Une boule nouée dans sa gorge, ma mère ne pouvait répondre devant l'arme meurtrière pointée vers elle, entre ses deux yeux. Elle acquiesça.

-Répondez.

D'une main tremblante, ma mère décrocha pendant qu'Alvina éteignait la télévision.

-Déposez-le sur la table. Tout de suite.

Maman était trop morte de peur pour désobéir.

-Bonsoir, George ! Dommage que tu n'aies pas compris à temps mon énigme. Devines qui j'ai en face de moi ?

Le téléphone n'était pas sur main libre, et le volume était bas. Même si mon père avait hurlé quoi que ce soit, rien n'avait été entendu.

-Et si nous discutions, chère Sylvie McAlester ?

-Comment vous êtes entrée ?

-Les fenêtres, ma petite dame... Une bonne corde, de bonnes bases en gymnastique et le tour est joué. Alors, si nous discutions un peu, Sylvie McAlester ?

-Discuter ?

Alvina fit un sourire en coin.

-Vous savez que George m'a fait interner dans un asile de fous pour me transformer en légume ?

-Il s'agit d'une unité psychiatrique.

-Oh, vous voulez jouer la maligne avec moi ? Je peux simplement presser la détente et cet imbécile de George pourra vous dire adieu, lui et votre gosse. Comment il s'appelle déjà ? Ah oui, Jake... Oui c'est ça. Jake.

-Pourquoi vous faites ça ?

-Parce que vous êtes assez idiote pour ne pas vous rendre compte que vous m'avez volé George. Mon George. L'amour de ma vie.

Non mais quel toupet, celle là !

-Et cette conne de Patricia qui est venue tout foirer en sortant avec cet avorton... J'ai souvent du mal à croire qu'elle soit sortie de moi.

Elle se mit presque à sangloter.

-Bruce... Oh Bruce... Pourquoi m'as-tu fait ça à moi ?

-Vous me faites du tort à moi et à mon fils, mais pourquoi vous faites ça à votre propre fille ?

Sans essuyer la larme qui coulait en silence sur sa joue, Alvina continua:

-Parce qu'elle a gâché mes projets. À cause d'elle, Bruce a légué la part du lion à sa mère, une vieille aigrie, et des miettes pour moi et Patricia.

Bruce Weldon était, en effet, fortuné.

-Euh...

-Lorsque j'ai découvert ma grossesse, Bruce et moi étions fiancés. Notre mariage était prévu dans quatre mois, mais j'ai dû hâter la date du mariage, et je me suis mariée en plein hiver... Étant fiancés, Bruce et moi nous ne nous "connaissions" pas, parce qu'il était borné sur sa conception archaïque du mariage traditionnel... Donc, s'il avait vu ma grossesse, il aurait su que je l'avais trompé, et donc plus de mariage; ce qui équivaudrait à "pas d'argent". Or l'argent, j'en avais besoin. Mais il s'est rendu compte que Patricia avait les yeux bleus, alors que ni lui, ni moi, ni personne de nos familles respectives n'avaient les yeux bleus. Et à cause d'elle, il m'a presque déshéritée...

Elle renifla fortement.

-Mais George, lui, je l'ai aimé... Vous voulez savoir qui est le père de Patricia ? J'emporterai ce secret dans ma tombe. Mais je ne veux pas retourner en taule.

Plaçant le canon de l'arme meurtrière dans sa bouche, dirigé vers le haut, Alvina pressa la détente. Clic. Rien ne se passa. Alvina jeta le revolver au sol.

-Connerie de flingue ! Il s'est enrayé !

Sans trop réfléchir, elle se rua vers les fenêtres. Prise d'un élan de pitié, ma mère la suivit et la retint à temps par la main alors qu'Alvina se jetait par le balcon.

-Decidément, vous êtes tous stupides. Lâchez-moi, et laissez-moi mourir !

-Vous êtes quelqu'un qui a souffert, Alvina...

-Oh super, vous pouvez par la même occasion m'apporter un mouchoir, tellement je suis émue !

Alvina était lourde pour maman. Sa main glissait peu à peu.

-Alvina, je risque de lâcher bientôt... Je ne suis pas assez forte pour...

-Jurez-moi de ne jamais dire à Patricia le nom de son père.

-Je ne le connais même pas !

Alvina soupira et regarda le sol qui était loin sous elle. Elle suait de tous ses pores.

-Denis-Andrew Chester.

-Qu'est-ce que vous dites ????? Patricia est la fille de son prof de Physique ????

-Jurez-moi de ne pas le dire à Patricia... S'il vous plaît... Avant que ne meure...

-Je vous le jure.

Au même moment, l'emprise lâcha. Poussée par la force de pesanteur, Alvina fendit l'air frais et humide et, après des culbutes dans le vide, elle s'écrasa au sol, la nuque brisée, sa cervelle se repandant sur le sol et son sang éclaboussant les alentours.

Quelques secondes après, un crissement de pneus se fit entendre. Mon père venait de garer la voiture en toute vitesse. Descendant de la voiture et courant vers le corps sans vie d'Alvina, il la regarda un moment et leva les yeux vers le balcon. Ma mère était comme paralysée, les mains agrippées sur le garde-fous.

Mon père de hâta de la rejoindre et la prit dans ses bras.

-Ça va aller... C'est fini... Le mal est passé...

-Elle a sauté, j'ai essayé de la retenir mais elle est morte, elle a lâché, sanglota ma mère d'une voix tremblante.

Mon père lui caressa les cheveux et prit son visage dans ses mains.

-Eh, regarde-moi dans les yeux...

Ma mère avait le visage pâle et couvert de larmes.

-Les princesses n'ont pas le droit de pleurer... Surtout pas les princesses qui ont des yeux magnifiques...

Patricia Miss Parfaite Où les histoires vivent. Découvrez maintenant