Patricia Miss Parfaite

XIX

Pendant toute l'heure de français, j'ai réfléchi sur une chose importante en rapport avec Tricky Il fallait que je lui en parle, et sincèrement.

Et pour ça, j'allais attendre la sortie, pour avoir tout mon temps. Jusqu'au soir s'il le fallait. Je ne pouvais même pas en parler au préalable à Fresh, il était bien trop abattu. Il semblait avoir la gueule de bois.

Fresh et Frizzy avaient rompu. Généralement, Fresh était au calme, parce qu'il savait que ça n'était pas bien méchant. Il savait que tôt ou tard ils se remettraient ensemble.

Mais cette fois-ci, Fresh était un peu plus tendu. Il était nerveux, et c'était la première fois que je le voie dans cet état à cause de Frizzy. Il ne semblait pas avoir à l'idée que lui et elle pourraient éventuellemnt s'en remettre.

-C'est quoi le problème ? Lui ai-je demandé.

Il fit celui qui n'avait pas entendu. Je lui arrachai d'une main vive les écouteurs des oreilles.

-Fais pas le sourd, tu m'as très bien entendu.

-Fous-moi la paix, Jake... Qu'est-ce que tu veux ?

-Savoir ce qu'il se passe... Avec elle.

-Frizzy et moi avons rompu. Ça te va ?

-Oh, relaxes, Roméo ! Je veux aider, c'est tout.

Il secoua la tête en observant ses lacets.

-On n'est pas près de se remettre ensemble.

-Tu plaisantes...

Il leva la tête et me regarda.

-J'ai la tête à ça ?

Je pus en effet constater qu'il était très sérieux. Je ne l'avais jamais vu ainsi.

-Mais pourquoi ?

-Elle veut respirer un autre air...

Frizzy ???? J'avais du mal à y croire.

-Il est au Bridges ?

Il secoua la tête.

-Elle jure qu' il n'existe pas encore et qu'elle m'aime, elle ne veut juste plus continuer avec moi, c'est tout. C'est tellement monotone qu'il faut qu'elle chante un autre couplet...

-Tu l'as suppliée de rester ?

Il me regarda comme si je venais de Jupiter.

-C'est toi qui supplie tes copines, gars.

Fresh avait un égo sur dimensionné. Il ne suppliait jamais personne. Même pas Frizzy. C'était au-délà de ses forces. C'était pratiquement une humiliation.

Je n'aurais jamais cru que cela pouvait sortir de Frizzy. Qu'elle en ait marre de Fresh, ça c'était incroyable.

-Ça finira par s'arranger, gars... Elle t'aime comme c'est pas possible, je suis sûr que...

-Notre partie de basket cet après-m tient toujours ? Demanda-t-il brusquement pour changer de sujet.

-Oui, bien sûr.

Idiot, idiot, idiot ! J'avais oublié notre partie de basket lorsque j'ai pris rendez-vous !!!!

Je me mordis la lèvre. Quel idiot je faisais !

-Au fait, Fresh....

Il me regarda sans répondre.

-J'ai oublié de te dire que j'avais déjà «un nœud à serrer»...

Fresh me regardait, plus sérieux que jamais. Son regard était perçant, tranchant, accusateur.

-Tu me prends pour un imbécile ? Cette partie, nous l'avons préparée depuis trois semaines, et tu veux me faire avaler que tu avais déjà un rendez-vous ??? Depuis quand as-tu un agenda aussi fourni ? Dis-plutôt que tu nous as oubliés, au profit d'autre chose. Et je parie que c'est en rapport avec Tricky.

J'étais mal à l'aise. Mais pourquoi avais-je donc une mémoire-passeoire ? Je ne cessais de me mordre la lèvre.

-Au fait...

-Ferme-la, gars, j'ai tout compris. Je vais passer mon après-midi dans la cave, à regarder Charlie Chaplin comme un connard et jouer aux billes avec mes crottes de nez.

Il s'eloigna, écouteurs dans les oreilles. J'étais vraiment idiot.

Lorsque ce fut la sortie, Fresh s'en alla la mine renfrognée, sans même me jeter un coup d'œil. Frizzy avait été taciturne et très timide. Elle avait très peu parlé de la journée, ce qui était assez exceptionnel.

Je vis Tasha s'en aller avec Cody et rire avec chemin faisant. Bah... Ni l'une ni l'autre ne me disait quoi que ce soit.

Lucy était étrange comme d'habitude, mais elle discutait longuement avec Brody. J'aurais payé cher pour entendre leur conversation. Un mélange de vampire et de don Juan, sûrement ?

Tricky était comme d'habitude, entrain de donner des conseils à qui venait vers elle. J'attendis patiemment qu'elle en finisse une bonne fois pour toute avant de m'approcher d'elle.

-Salut, Bonnet !

-Salut Snapback. Alors, je t'écoute. Qu'est-ce que tu as à me dire ?

-Premièrement, que tu as été stupide de jeter Mélidra dans les bras d'Anton.

Elle me fit un sourire en coin.

-Ah oui et en quoi ?

-C'est un sado-ma...

Elle leva la main pour m'interrompre.

-C'est bon, on sait que ç'en est un.

Je pouffai de rire.

-Tu as honte de tes propres écrits !

-Je n'ai jamais écrit ce mot !

-Non, mais tu l'as fait implicitement. Deuxièmement, où tu as tiré ton pseudo ?

Elle haussa les épaules.

-Je voulais utiliser les initiales de mon nom à l'envers, alors j'ai choisi au hasard.

-Bien. Troisièmement, je suis amoureux de toi.

Le regard qu'elle me lança faillit me faire mourir de rire. C'était tellement brusque, tellement inattendu qu'elle n'en revenait pas. Je ne voulais pas passer par des mots énigmatiques au risque de l'embêter ou la troubler, et il paraît que les filles aiment la franchise....

-Pardon ???

-Tu acceptes ?

Elle se mit à pleurer, et à chaudes larmes. Cette fille était vraiment... unique, pour ne pas dire étrange.

-Imbécile !

Elle me lança brutalement ses cahiers dessus.

-Pourquoi tu me le demandes ? Pourquoi ???

-Parce que je t'aime et je ne t'ai rien demandé de criminel !

-Pourquoi a-t-il fallu que tu me le dises juste quand je tombe amoureuse de toi ?

La totale.

-Mais... Mais si c'est réciproque, où il est, le problème ?

-Tu ne peux pas comprendre.

-Si tu m'expliques, je le peux.

-Je suis malade, tu entends ???? Malade !

-Comment ça ?

-Je ne peux pas accepter de sortir avec toi, je suis ridicule, malade, maudite !

-Patricia...

-Je dois t'oublier, t'oublier à jamais, oublier combien je suis folle de toi...

Je la pris dans mes bras. Elle tenta de me repousser, mais je la tenais fermement. Doucement mais fermement.

-Calme-toi, My WonderPearl... Sèche tes larmes et explique-moi tout, je suis là.

Elle resta sans rien dire un moment, tout contre moi, versant des larmes sur mon cœur qui, à chaque pulsation, lui murmurait «Je t'aime, ne pleure plus»...

-La réponse se trouve chez moi. C'est à vingt minutes de chez toi. Et tu comprendras enfin pourquoi je ne veux pas sortir avec toi, ni avec aucun autre, quand bien même l'amour que j'ai pour toi est intense...