XI - Liens

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Bien que la nuit aie été en train de tomber, nous avions continué à avancer quelques temps afin de nous éloigner le plus possible de la scène du crime. Il était probable que les meurtriers n'aient pas été bien loin, nous préférions donc être prudentes. Il était sûrement préférable de ne pas les croiser, nous ne ferions certainement pas le poids face à eux, même si l'idée de récupérer notre fidèle compagnon était tentante.

Nous étions donc à la recherche d'un endroit où passer la nuit : il était plus prudent, pour cette fois en tous cas, de nous dissimuler quelque part en attendant que les choses se tassent un peu. C'est au bout de quelques heures que nous trouvâmes des ruines qui seraient suffisantes pour nous protéger. Nous nous installâmes, sans allumer de feu cette fois-ci pour ne pas nous faire repérer.

Cette situation nous rappelait énormément ce fameux soir de tempête où nous nous étions réellement découvertes pour la première fois. C'est donc dans un silence gêné que nous prîmes notre repas. Aucune de nous deux ne savait quoi dire, ayant trop peur de repartir dans des confidences trop importantes. Finalement, c'est Yeleen qui prit tout de même la parole.

« _ Tu as toujours ce bracelet que je t'ai confié ?

_ Évidemment, répondis-je en remontant mon pantalon pour la laisser voir l'objet. »

Elle sourit faiblement en observant le petit bijou. Sa main vint effleurer les breloques qui le composaient, me procurant un frisson dans toute la jambe au passage, que je tentais de dissimuler tant bien que mal.

« _ Ma mère me l'avait offert pour me protéger, commença-t-elle en désignant l'oeil égyptien. Il devait aussi me permettre de rester en harmonie avec moi-même, continua-t-elle en effleurant le ohm. Le trèfle à quatre feuilles signifie évidemment la chance, et le capteur de rêves est censé apaiser mon sommeil.

_ C'était une belle preuve d'amour, commentai-je doucement.

_ Elle n'égalait pas sa présence, rétorqua-t-elle amèrement. »

Je grimaçai, contrite, et passai un bras autour de sa taille pour l'attirer à moi. Elle ne broncha pas, et laissa sa tête s'affaisser sur mon épaule. Je caressai machinalement sa peau, mise à nue par un tee-shirt un peu trop court. Sa respiration se calqua bientôt sur la mienne. L'avoir à mes côtés était une véritable chance, pensai-je.

« _ Je suis désolée, lâchai-je soudainement. »

Elle se redressa vers moi, son visage à quelques centimètres du mien, surprise. Elle n'eut pas besoin de formuler sa question pour que je lui apporte une réponse.

« _ Je n'aime pas m'attacher aux gens. Je n'accorde pas ma confiance facilement. Je n'ai pas envie qu'on m'abandonne par la suite, alors que j'aurais tout donné.

_ Je ne te lâcherai pas, argumenta-t-elle d'une voix assurée. »

Mon regard se perdit dans le sien, magnifique. Nous étions plus proches que jamais. Les battements de nos cœurs avaient accéléré sans que nous ne nous en rendions compte. Puis, sa bouche rencontra la mienne. Doucement, tendrement. Je ne reculais pas. Elle tenta d'approfondir notre baiser, et c'est là que tout explosa dans mon crâne.

Les images de la ruelle. Cet homme répugnant. Ses lèvres oppressantes sur les miennes. Sa langue forçant l'accès à l'intérieur de ma bouche. Je bondis vivement en arrière, totalement paniquée, peinant à reprendre mon souffle et le corps trempé de sueur. J'avais crié de terreur. Je ne voulais pas que cela se reproduise. Yeleen me fixa d'abord, surprise, avant qu'un voile de tristesse ne s'abatte sur son joli visage.

« _ Excuse-moi, commença-t-elle... »

Je regrettai immédiatement mon geste, bien que je ne l'aie aucunement contrôlé. Je me rapprochais prudemment de sa personne.

« _ Tu n'as pas à t'excuser, ce n'est pas de ta faute. C'était juste... un réflexe. Ce n'était pas contre toi. Au contraire...

_ Tu veux dire que... ? »

Je hochai lentement de la tête, gênée. Cependant, le sourire qu'elle afficha en voyant ma réaction effaça rapidement mon malaise. Je tendis les bras vers elle en guise de pardon. Elle se blottit contre ma poitrine, et nous nous endormîmes ainsi, apaisées.

~ ~ ~

« _ Elles sont par là ! hurla une voix non-loin de notre refuge. »

Nous nous réveillâmes en sursaut. Il ne nous fallut cependant pas longtemps pour scruter attentivement les alentours à la recherche de l'origine de ce cri. Un groupe d'hommes approchait, et visiblement, ils ne venaient pas à notre rencontre pour prendre le thé. Ils traînaient derrière eux le chameau qu'ils nous avaient plus ou moins volé la veille. Yeleen se tourna vivement vers moi, effarée.

« _ Vite, rassemble nos affaires ! me cria-t-elle. »

J'obtempérai tout en me posant un tas de questions. Pourquoi ces hommes étaient-ils à notre recherche ? Que nous voulaient-ils ? Une chose était sûre, vu le sort qu'ils avaient réservé au vieux fermier, mieux valait ne pas essayer de parlementer. Nous récupérâmes donc nos maigres possessions en un temps record afin de détaler dans la direction opposée au plus vite.

« _ Mais qu'est-ce qu'ils nous veulent, bordel ? réussis-je tout de même à demander.

_ On a pas le temps pour ça, balança Yeleen. Cours ! »

Nous sortîmes donc comme des dératées de notre cachette, ces hommes mystérieux à nos trousses quelques centaines de mètres plus loin. Il était question de vie ou de mort. Vive la pression. Nous nous dirigions visiblement au nord-ouest. Au moins, on gagnerait un peu de temps sur notre voyage. Bien que j'aurais préféré que ce soit dans d'autres circonstances.

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