/!\ Lire la note en fin de chapitre. /!\
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Assises à même le sol sur des couvertures, nous terminions notre repas autour d'une petite table basse en bois. Cela n'avait pas été un festin non-plus, mais nous l'avions beaucoup apprécié. Notre dernier dîner pris de façon « civilisée », si on peut dire, remontait à bien longtemps. Un silence confortable s'était installé depuis quelques minutes. Une fois que nous eûmes fini de manger, je pris la parole.
« _ Grand-mère, peux-tu me parler de mon père ? demandai-je doucement. »
La vieille femme prit son temps pour m'apporter une réponse. Elle s'essuya la bouche, but un peu d'eau, et croisa ses mains sur ses jambes en tailleur. Elle releva finalement les yeux sur moi, le regard lourd de sens. Je pouvais voir combien elle retrouvait son fils en ma personne. J'en étais flattée.
« _ Ton père était né le second, il a donc un grand frère. C'était de loin le plus adorable des deux. Il faisait toujours tout en sorte pour que je sois heureuse. Il faisait toujours passer les autres avant lui. Il possédait une grande sensibilité, c'est ce qui lui portait préjudice également. L'altruisme et l'empathie sont des qualités à double-tranchant. »
La touareg fit une légère pause dans son récit. Je retrouvais en sa description tout ce qui caractérisait mon paternel, mais également ma mère. Pas étonnant qu'il soit tombé amoureux d'elle, et qu'il aie été capable de la suivre jusqu'à la capitale. C'était son alter ego.
« _ Son frère se jouait de sa gentillesse. Il en profitait dès que l'occasion s'en présentait. Ça faisait beaucoup de mal à ton père. C'est pourquoi il a fini par partir, dès que ça a été possible. C'était une véritable déchirure pour lui, de me laisser là, seule avec son frère qu'il considérait comme horrible.
_ Qu'est devenu son frère... ? osai-je questionner. »
Ma grand-mère prit une grande inspiration, un voile passa sur son visage. Ses yeux s'assombrirent, et toute trace de tendresse auparavant esquissée disparu. Elle cessa de me regarder dans les yeux en me parlant pour adopter un regard fuyant. Ce qu'elle s'apprêtait à dire l'avait énormément marquée en tant que mère.
« _ Il a fini par partir lui aussi. C'est devenu un briguand, il a commencé à sombrer dans l'alcool très tôt. Il s'est impliqué dans des trafics d'armes et de drogues. Il était très violent, dès son plus jeune âge. Il tient certainement ça de son père... acheva-t-elle dans un murmure. »
Peinée, à la fois pour mon père et pour ma grand-mère, je me levai pour la prendre dans mes bras tout en lui caressant le dos d'un geste rassurant. Quelques minutes passèrent ainsi, sans que je n'ose lui parler de mon grand-père. Je voulais en savoir plus, mais ces souvenirs semblaient si difficiles à évoquer. Mieux valait qu'ils viennent d'eux-mêmes. Et ce fut le cas.
« _ J'ai toujours vécu dans ce village, continua-t-elle. Ton grand-père y est passé lors d'une de ses traversées du désert, tout comme vous. Je suis immédiatement tombée sous son charme, et il a su en jouer. Il est resté quelques années avec moi ici, le temps de donner naissance à Amestan et Ahar.
_ Ahar ? Le lion ? l'interrompis-je.
_ C'est cela, acquiesça-t-elle avant de reprendre. Dès le début, il était lunatique, violent et méchant avec moi. Mais j'étais folle de lui. Alors, je laissais couler, et je profitais de nos rares moments de bonheur. Puis il est parti, me laissant seule avec nos deux fils. Ahar avait quatre ans, tandis que Amestan n'en avait qu'un. Je pense que c'est cela qui a joué, conclut-elle. »
Je hochais la tête, satisfaite qu'elle aie accepté de me raconter tout cela. De nombreux vides étaient ainsi en train de se combler dans mon esprit. Mais une dernière question me taraudait.
« _ Grand-mère... Peux-tu me décrire physiquement Ahar ?
_ Oui, si tu veux, me répondit-elle étonnée. »
Elle obtempéra donc, me montrant même une photo de l'intéressé. Il était encore jeune sur ce cliché, mais cela me suffit à le reconnaître. Je tâchais de ne rien laisser paraître des pensées qui m'agitaient, et la remerciai avant de prendre congé pour rejoindre la grange qui nous servait de chambre, à Yeleen et moi.
« _ Maintenant, tu vas me dire ce que tu caches ? me lança Yeleen à peine étions-nous rentrées dans le bâtiment. »
Je me tournai vers elle, éberluée. Comment avait-elle deviné que j'avais une idée précise derrière la tête ? Je pensais pourtant maîtriser parfaitement l'art de dissimuler mes sentiments. Il allait falloir que j'y retravaille. En attendant, c'était bien une preuve que mon amie commençait à bien me connaître, je lui devais donc la vérité.
« _ Ahar était alcoolique, violent et impliqué dans le trafic d'armes, nous sommes d'accord ? commençai-je.
_ Oui, mais pourquoi parles-tu de lui au pas-...
_ Je n'ai pas seulement mis fin à la vie d'un violeur. J'ai tué le frère de mon père. Je suis la meurtrière de mon oncle, assenai-je. »
Yeleen se stoppa net dans son mouvement, sa bouche s'ouvrant en formant un « o » parfait. Elle dirigea son regard vers moi, les yeux exorbités de surprise. Je pensais qu'elle allait me demander de confirmer ce que je venais d'affirmer, mais elle se reprit soudainement en voyant mon air sérieux.
La jeune femme s'avança vers moi, les bras tendus afin de me serrer contre elle. Ses mains vinrent se placer dans mon dos pour le caresser doucement, tandis que sa tête se plaça dans mon cou, sa bouche y déposant de légers baisers rassurants.
« _ Je suis désolée... murmura-t-elle. »
Je saisis son menton entre mes doigts afin de placer son visage face au mien, et plantai mes yeux dans les siens. « Reste à mes côtés », semblaient-ils supplier. J'approchai mes lèvres des siennes et y déposai un baiser furtif, qu'elle intensifia rapidement.
Mes mains commencèrent à se balader dans ses cheveux, sur ses omoplates, suivant la courbe de ses hanches. Mon corps n'était pas en reste, et nous basculâmes rapidement dans la paille pour nos allonger sans cesser nos caresses. Aucune once d'hésitation ne me traversa cette fois-ci, et nos vêtements commencèrent à glisser, dévoilant nos peaux satinées.
J'avais perdu une mère. J'avais perdu un oncle. Mais j'avais un père. J'avais retrouvé ma grand-mère. Et j'aimais. J'aimais du plus profond de mon être. J'aimais, avec des sentiments que je tentais pourtant de refouler, jusqu'à ce soir. J'aimais à m'en faire exploser la poitrine, et cela faisait un bien fou.
« S'il-te-plaît, Yeleen, ne me quitte pas. » pensai-je dans un dernier soupir de plaisir.
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Bonjour !
Je tenais à laisser un petit mot à la fin de ce chapitre, qui compte beaucoup pour moi. (J'ai mis pas mal de temps à l'écrire aha.)
Bref, j'espère que l'histoire d'Esi vous plaît, n'hésitez pas à me donner vos avis et à me poser des questions ! Il est possible que je fasse une petite foire aux questions si ça en intéresse quelques-uns. :)Mention spéciale à PeytonFitzgerald qui suit cette aventure depuis le début et me laisse des commentaires plus adorables les uns que les autres. :)
En tous cas, je vous remercie d'en être arrivés là dans votre lecture, et je vous dis à la prochaine ! ;)
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Dunes
AventuraVille de Bamako, au Mali. Esi quitte la ville où elle a toujours vécu pour se lancer dans la longue et difficile traversée du Sahara. Entre guerre, danger, trafics illégaux, violence, secrets, amitié et amour, parviendra-t-elle un jour à atteindre l...