Dunes

XXXV - Bienvenue

Au bout de quelques dizaines de minutes, j'avais traversé une partie de la ville, cette fois sans prendre le risque de traverser des quartiers que l'on pouvait considérer comme « chauds ». Je commençais vraiment à prendre l'habitude de me diriger vers une aire de départ, en m'arrêtant toujours pour acheter ou voler quelques objets qui pourraient m'être utiles.

Il me fallut quelques secondes supplémentaires pour repérer le véhicule qui m'emmènerait tout droit au Maroc. Heureusement que la description que les gens du groupe m'avaient faite était relativement précise. Je m'avançai vers les deux hommes affairés à préparer leur départ.

L'un semblait avoir la cinquantaine, ses cheveux avaient viré au gris/blanc depuis quelques temps, et son visage tanné se creusait de rides. Ses joues étaient cependant rougies par l'alcool qu'il devait consommer à chaque halte. Il était relativement grand, il me dépassait d'au moins une tête, et semblait avoir encore beaucoup de force pour son âge.

Le second était beaucoup plus jeune, il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans, et arborait une peau beaucoup plus sombre que celle de son compagnon. Cependant, je décelai une certaine ressemblance entre eux. C'étaient certainement le père et le fils, avec une mère d'origine sud-africaine.

Ils possédaient tous deux de larges épaules, une mâchoire carrée bien marquée et des yeux d'un vert presque translucide. Leurs cheveux secs et ébouriffés leur donnaient un air sauvage plutôt agréable à regarder. Malgré la force brute qui émanait d'eux, ils semblaient très accueillants. Je pris la parole timidement.

« _ Bonjour, euh, je suis Esi, et...

_ On sait qui tu es, me coupa le père en tâchant d'adopter un ton doux. Tu sais faire la cuisine ?

_ Euh, oui... ?

_ Bien, bienvenue à bord alors. Tu voyageras sur la banquette avant, mais malheureusement, nous ne possédons qu'une seule tente, donc tu devras dormir à la belle étoile.

_ Pas de problème, affirmai-je.

_ Tu sembles avoir du cran, c'est un bon point. »

Je lui offris un petit sourire gêné pour toute réponse. Alors que je me dirigeais vers l'arrière du véhicule pour y lancer mon sac, sa voix grave me retint.

« _ Au fait, une dernière chose...

_ Oui ? me stoppai-je dans mon élan.

_ Je m'appelle Elyas, et voici Abel, dit-il en désignant son fils.

_ Enchantée, souris-je rassurée. »

Il me laissa finalement ranger mon matériel et prendre place dans la voiture une fois que sa progéniture y fut installée. Nous partîmes peu de temps après, sans plus parler que nécessaire. Visiblement, j'étais encore tombée sur des bavards. Je lâchai un soupir en posant mon coude sur la portière, fixant le paysage. La route allait être longue.

~ ~ ~

« _ Je suis... vert.

_ Un buisson.

_ Je suis... touffu.

_ Un buisson.

_ Je suis... Putain, mais j'ai pas d'idées ! »

J'éclatai de rire. Cela faisait plusieurs longues minutes que nous jouions à ce jeu débile, pour nous occuper. C'était une référence à un dessin animé culte, mais nous n'étions pas plus doués que ceux qui l'avaient inventé pour y jouer. Nous avions fini par abandonner.

Abel était finalement sorti de son mutisme timide pour me révéler une personnalité très infantile compte-tenu de son âge. Il était très gentil et riait facilement. Cela donnait un peu de piquant au voyage, malgré le fait que les soupirs de son père devant notre comportement rythmait nos conversations sans se lasser.

Je ne m'étais pas trompée de beaucoup par rapport à son âge. Il avait vingt-trois ans, bien que mentalement, il paraissait en avoir beaucoup moins. Le courant était immédiatement passé entre nous, malgré notre écart d'âge. Le trajet n'allait pas être aussi ennuyant que prévu.

~ ~ ~

→ Point de vue de Yeleen.

J'étais partie depuis quelques jours à présent. Inaya m'avait trouvé à moi aussi un convoi qui pourrait m'emmener jusqu'au Maroc. Le voyage serait très long et éreintant, puisque passer par une grande ville n'était pas envisagé par les chefs. Mais au moins, cela me permettrait d'arriver plus tôt que je ne le pensais. J'allais rattraper mon retard, et retrouver Esi.

« _ J'arrive, mon amour... murmurai-je en fixant obstinément l'horizon. »

→ Fin du point de vue de Yeleen.

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média : Abel