XXIV - Second souffle

46 8 0
                                    

Le temps de me remettre de mes blessures, j'étais restée dans la petite chambre que j'occupais à l'hôtel depuis maintenant plusieurs jours. La pièce était imprégnée de souvenirs que j'avais pu créer avec Yeleen auparavant, mais je tâchais de ne pas trop y faire attention. Je n'étais jamais retournée à l'hôpital.

Inaya entra à ce moment-là, venant prendre de mes nouvelles. Elle savait que mon départ ne saurait tarder, et s'évertuait à vérifier que mon état physique me le permettrait sans que je prenne de trop gros risques pour ma santé.

« _ Comment tu te sens aujourd'hui ?

_ Très bien, affirmai-je. Tu sais que je suis capable de prendre la route, Inaya. Je n'ai plus aucune raison de rester ici, j'ai déjà beaucoup trop tardé. »

La vieille femme soupira. Je lui en faisais voir de toutes les couleurs, depuis les adieux larmoyants que j'avais faits à ma petite amie plongée dans le coma. Elle ne cessait de me répéter combien je ressemblais à ma grand-mère. C'était agréable de se sentir lié à quelqu'un de cette façon, surtout quand il ne nous restait plus grand chose à quoi nous rattacher.

« _ Si tu le dis, abdiqua-t-elle. Dans ce cas, je vais faire le nécessaire pour que tu puisses partir.

_ Il faut que je trouve une caravane qui accepte de m'emmener avec elle, l'informai-je. »

Elle acquiesça, et après s'être occupée de mes pansements, sortit de la chambre pour faire je ne sais quoi. Je soufflai et me levai. J'avais de moins en moins de difficultés à me mouvoir au fil du temps, bien que j'en garderais tout de même quelques séquelles.

Je bus un verre d'eau avant de prendre mon courage à deux mains pour commencer à rassembler mes affaires. Il allait falloir que je les sépare de celles de Yeleen, ce qui s'annonçait être une tâche difficile pour moi. Mais j'étais obligée de passer par là.

Au bout de quelques dizaines de minutes aussi longues que laborieuses, mon vieux sac à dos avait retrouvé son contenu d'origine. J'étais revenue au point de départ, si l'on mettait de côté le fait que je me trouvais à présent à plus de trois mille kilomètres de ma ville d'origine.

Je descendis à l'accueil du petit hôtel après avoir lancé un dernier regard à la chambre qui avait accueilli tant de rebondissements dans ma petite vie. Je confiai les affaires de mon amie à la réceptionniste, qui se chargerait de les emmener jusqu'à l'hôpital. Encore un coup de maître d'Inaya.

Il ne me restait plus qu'une seule chose à faire avant de reprendre la route, et c'était loin d'être la plus facile. Je me dirigeai lentement vers les petites cabines téléphoniques qui habillaient un pan du mur de la réception, la boule au ventre. Je glissai quelques pièces dans l'un des téléphones mis à disposition, et composai le numéro tant redouté.

La sonnerie caractéristique de l'appel en attente retentit dans mon oreille. Finalement, au bout de plusieurs secondes qui me parurent interminables, une voix retentit à l'autre bout du fil. Mon cœur se gonfla de bonheur et de mélancolie.

« _ Papa ? »

~ ~ ~

« _ Esi ?! Mon dieu, ma petite fille, tu vas bien ?

_ Oui papa, ne t'inquiète pas, tout va bien, soufflai-je. Comment vont les petits ?

_ Ils sont en forme, je m'en occupe du mieux que je peux ma belle. Où es-tu ?

_ Je suis arrivée à Tamanrasset, je vais bientôt partir pour le Maroc.

_ Tamanrasset... Je suis tellement fier de toi, Esi.

_ Je n'ai pas beaucoup de temps, je n'avais pas assez d'argent pour payer la communication. Je voulais juste te dire que tout allait bien, et que je t'aimais.

_ Oh mon dieu... Je t'aime aussi, mon petit ange. Sois prudente.

_ Promis. Au revoir, papa.

_ Au revoir, ma petite- »

Un son strident me parvint. L'appel avait été coupé. Je reposai lentement le combiné, tremblante. Je reniflai sourdement, tâchant de contenir mes larmes, puisque j'étais dans un espace public. Je m'essuyais les yeux et le nez d'un revers de manche, avant de me détourner et de récupérer mon chargement. Il était temps de partir.

Je croisai Inaya, qui m'informa qu'elle avait tout réglé, comme à son habitude, et qu'un quatre-quatre m'attendait sur l'aire de départ. Par chance, il partait directement vers le Maroc en vue de rejoindre le Rallye des Gazelles. Une fille ne serait pas de trop pour leur porter main forte.

Je remerciai chaleureusement l'amie de ma grand-mère, et la pressai de lui faire parvenir que j'étais bien saine et sauve. Sans elle, je n'en aurait certainement pas été là. Elle avait sauvé ma vie, et, je l'espérais, celle de Yeleen.

C'est donc regonflée à bloc et déterminée que je partis, le sac sur le dos. J'avais quelques kilomètres de marche à faire pour rejoindre le quai de départ, situé à la sortie de la ville, je ne devais donc pas trop traîner au risque de rater ma seule chance de partir d'ici.

Je laissais derrière moi mon premier amour et des heures de bonheur inégalables. Mais j'étais convaincue d'avoir pris la bonne décision. Ainsi, Yeleen pourrait vivre, sans devoir traîner le fardeau que j'avais été pour elle. Je n'avais plus qu'à prier les étoiles pour qu'elle se réveille un jour, et qu'elle ne m'en veuille pas trop d'être partie ainsi.

Les cris et les bruits caractéristiques des personnes et véhicules se préparant au départ me parvinrent, et je pus bientôt apercevoir l'engin qui m'emmènerait tout droit vers ma prochaine étape. Il nous faudrait certainement faire une halte à Adrar, la route menant à Marrakech étant tout aussi longue que celle que j'avais déjà parcouru, mais j'y arriverais.

Ma poitrine se gonfla d'un souffle nouveau, et je fis signe aux femmes affairées à préparer notre longue traversée. L'une d'elles se releva et me lança un sourire resplendissant, que je lui rendis. Un nouveau chapitre commençait.

__________

Bien le bonjour !

Tout d'abord, merci d'être parvenus jusqu'ici dans votre lecture. Ce chapitre était un peu plus court que les précédents, mais il marque un tournant décisif dans l'aventure d'Esi. :)

Je suis sincèrement désolée pour ceux qui étaient peut-être fans du couple Esileen (appelons-le comme ça aha), mais promis, je ferais en sorte que leur histoire compliquée ne s'arrête pas là. :) (oui, je suis sadique)

Bref, je peux dire à vue d'œil que l'histoire de notre petite brune approche de sa moitié, je vous réserve encore pas mal de rebondissements ehe. :)

Je vous fais de gros bisous et vous dis à bientôt !

DunesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant