Chapitre 9

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Le ton employé par Emy alerta Nora. Elle pouvait y percevoir de la crainte, mais surtout de l'empressement. Instinctivement, la jeune Jenkins s'inquiéta. Son amie n'avait pas pour habitude d'aggraver les situations : si elle déclarait qu'elles avaient un problème, c'était qu'il y en avait réellement un.

Nora se leva alors, sans prendre la peine de poser correctement son livre, et vint s'installer sur son lit, là où Emy avait élu domicile. Cette dernière battait des jambes dans le vide, signe de nervosité. La jeune Jenkins comprenait bien que sa voisine avait envie de parler, qu'elle en avait besoin même. Cependant, Nora préférait reculer cet instant, même de quelques secondes, pour ne pas transformer le problème en réalité. Elle souhaitait être inconsciente avant de subir les conséquences de la révélation prochaine d'Emy.

Résignée après plusieurs minutes de réflexion silencieuse, Nora se tourna vers son amie qui cherchait son regard depuis son entrée dans la pièce. La jeune couturière prit les mains de sa meilleure amie dans les siennes et soupira fortement, signe qu'elle était désormais prête à encaisser la nouvelle.

— Je t'écoute, déclara enfin Nora.

Son ton fut calme, en contraste avec celui de son interlocutrice. La jeune Jenkins pensait peut-être que si sa voix était posée, l'annonce d'Emy irait de pair. Ce calme olympien était seulement un réflexe stupide qu'utilisait Nora pour masquer son angoisse. Angoisse partagée par Emy.

— Je... Je ne sais pas par où commencer, démarra Emy alors que sa voix était chevrotante. J'ai promis à tes parents de faire vite alors, pour le moment, tout ce que tu dois savoir c'est qu'on doit bouger l'ordinateur de place et en vitesse. Rendez-vous à 23h30 à la cave. Je t'expliquerai plus en détail au moment voulu.

Sur ces paroles, Emy partit plus calmement qu'elle n'était arrivée. Comme si parler à voix haute avait permis d'évacuer son stress et sa peur.

Juste avant de refermer la porte, la jeune Clarks se retourna vers son amie et la regarda d'un regard appuyé, comme pour clore l'accord qu'elle venait de fixer.

Nora resta stoïque sur son lit. Aucun de ses muscles ne répondait à l'appel de son cerveau comme s'ils étaient paralysés. Tétanisés.

Ce semblant de révélation n'avait en aucun cas rassuré la jeune rebelle.

Etait-il possible que Carter Rosenbach puisse retrouver les origines d'UnFortunéum ?

***

Un goût de bile vint s'immiscer dans la gorge de Nora. Depuis l'intervention d'Emy plus tôt dans la soirée, elle ne se sentait pas bien. Des sueurs froides qui, paradoxalement, lui brûlaient la peau, coulaient le long de ses membres. Ses pensées, tournées habituellement vers une colère sans nom, étaient, ce soir-là, emplies de questionnements.

L'incertitude était un sentiment qui horripilait Nora. Elle aimait avoir le contrôle. Tout préméditer.

Mais cette nuit-là, tout lui échappait et elle n'aimait définitivement pas cela.

Les yeux de la jeune femme étaient bloqués sur son réveil de fortune depuis de longues minutes. Elle regardait chaque minute défiler afin de s'approcher du moment fatidique. Nora les observait toutes, une à une. Son regard ne pouvait se détacher du petit appareil de peur de passer à côté de son rendez-vous. Elle était tellement absorbée par son réveil que Nora avait l'impression d'avoir calqué les battements de son cœur au rythme des mouvements des aiguilles.

Nora ne savait pas si elle trouvait que les minutes passaient trop rapidement et ainsi, s'approcher dangereusement de l'heure annoncée par Emy, ou alors, trop lentement, lui donnant le temps de cogiter encore et encore.

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