Quand Nora passa l'entrebâillement de la porte d'entrée, aucun de ses parents ne lui firent une réflexion concernant son retard. Son père était bien trop fatigué ces derniers jours si bien qu'il n'avait presque plus la notion du temps. De son côté, Rachel lança un regard louche à sa fille, quand cette dernière eut le dos tourné. Cependant, depuis leur dernière discussion, la mère de famille n'arrivait plus à parler avec Nora comme elle le faisait avant. Elle avait conscience qu'elle avait été sèche, voire méchante dans ses propos, et malgré le fait qu'elle restait sur ses positions concernant ses idées, elle s'en voulait d'avoir ainsi traité sa fille.
— Bonsoir, avait articulé Nora après avoir enlevé ses chaussures.
Pas un mot de plus. Pas une justification. Pas une excuse.
Nora n'avait clairement pas la tête à cela après la journée éprouvante qu'elle venait de passer. Elle embrassa ses parents avant de s'installer à côté de son père sur le divan. Philip somnolait en lisant les nouvelles de la veille sur la gazette. Nora prit une couverture située sur l'accoudoir et la posa sur les épaules de son père alors que ce dernier s'endormait déjà, sous le contact chaud du tissu.
Après cela, Nora se pencha pour retirer ses chaussettes. Un soupir de soulagement se fit entendre à la libération de ses pieds. En un coup d'œil, elle vit le désastre. Ses pieds étaient criblés de coupures et d'ampoules qui la faisaient souffrir en silence. Elle entreprit de se masser les orteils et, pendant un instant, elle oublia tout. La maladie de son père, l'arrestation de Monsieur Bob, la mort de Trevor, la mise au cachot du mari de Gretchen, son rôle dans tous ces événements, sa rencontre avec l'agent Stuttgart... L'espace d'un instant, tout cela ne faisait plus partie de la vie de Nora et son corps pouvait enfin respirer. Elle pouvait se décontracter.
Malheureusement, il a été prouvé qu'un instant ne durait jamais une éternité.
***
Le sommeil de Nora avait été agité bien que la nuit fusse calme, sans un nuage pour assombrir le tableau. Ses pensées voguaient inlassablement vers sa deuxième rencontre avec l'agent Stuttgart. En allant dans les quartiers riches, elle avait espéré prendre le dessus sur cet homme, tout en obtenant des réponses convaincantes. Cependant, rien ne s'était passé comme elle l'avait souhaité. Elle s'était sentie perdue et désarmée dès lors que le garde avait posé ses mains sur elle. Certes, il ne lui avait voulu aucun mal, et cela, elle l'avait vu dans son regard, mais elle avait aussi rapidement compris qu'elle n'allait pas avoir de réponses cette nuit-là.
Au réveil, Nora se passa les mains sur le visage puis sur la nuque, cette dernière étant trempée. La respiration de la jeune femme se faisait irrégulière, comme si elle avait passé la nuit en apnée, si bien qu'elle dut prendre son temps pour que son rythme cardiaque s'apaise.
— Calme-toi, bordel ! s'exclama Nora en se tapant les joues.
Une fois debout, la jeune Jenkins se dirigea vers sa fenêtre et ouvrit son rideau. Le ciel était relativement bleu, bien que tacheté de nuages blancs çà et là. Le temps fit naître un sourire radieux sur le visage de Nora. Avec les temps qui couraient, un simple sourire à la vue d'un ciel bleu était si réconfortant. Nora se surprit presque à encore pouvoir sourire. Malgré cette sublime vue, une question planait dans l'esprit de la jeune femme, le torturait même.
Devait-elle parler de son escapade de la veille à Emy ?
Il était bien entendu qu'elle n'en parle à personne d'autre, pas même Paco, sinon elle devrait expliquer son statut d'UnFortunéum et elle en était tout bonnement incapable. Elle était trop faible psychologiquement pour devoir se révéler auprès de son ami malgré l'envie qui se faisait ressentir.
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UnFortunéum
Fiksi IlmiahCarter Rosenbach prit le pouvoir de Baltivia 20 ans auparavant. Il créa alors le Fortunéum : gouvernement oppressant où les pauvres sont exploités et encerclés par les riches. Depuis cette époque, l'inégalité règne sur l'île et personne n'ose trouve...