Chapitre 15

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Un vent frais soufflait et faisait tournoyer les branches des bougainvilliers. Nora s'était dissimulée derrière l'un des arbres et venait d'être fouettée par une branche dépourvue de feuilles. Dans un geste silencieux, elle porta une main à sa joue et la caressa. Rien qu'au toucher, elle sentit une rougeur apparaître sur son visage et malgré la faible douleur, cette sensation la réchauffait dans cette nuit glaciale et un infime sourire apparut.

La position de Nora n'était pas des plus stratégiques : certes, elle n'était vue de personne, mais elle était incapable de voir autrui. Elle s'était dit qu'elle devait privilégier la discrétion. Si elle avait bien compris le message de Stephen, elle courait peut-être un énorme risque.

Depuis le départ de l'agent Stuttgart, l'esprit de Nora était assommé d'une multitude de questions. Elle ne savait pas s'il lui avait réellement donné rendez-vous, mais l'ultime regard qu'il avait eu, la confortait dans l'idée qu'il lui avait envoyé un message. Et qu'elle l'avait compris.

Collée au tronc d'arbre depuis plusieurs minutes, Nora avait évacué tous ses doutes. Les paroles du garde étaient un message codé. Un message alarmant. Et malgré la peur qui l'envahissait, elle avait confiance. S'il souhaitait la trahir, il l'aurait déjà fait. Et il était encore là, alors ils étaient deux à se battre pour la même chose. Elle devait seulement attendre, désormais. Attendre la venue de son nouvel allié.

Alors elle attendit. Elle n'avait pas la notion du temps mais les étoiles se faisaient plus scintillantes et la lune montait dans l'obscurité. Ce fut au moment où l'astre commençait à se cacher derrière le sommet du volcan que la jeune rebelle entendit des pas. Des pas de course. Ils s'approchèrent et bientôt, Nora vit une silhouette athlétique qu'elle commençait à connaître et reconnaître.

— Bonsoir.

Nora n'avait pas bougé de sa cachette et pourtant, l'agent Stuttgart fonça droit sur elle, d'un pas déterminé, avant de lui empoigner l'avant-bras fermement.

— Pas le temps pour les politesses, on doit se dépêcher.

Une réponse froide, sèche et mystérieuse, à l'image de son émetteur.

— Pourquoi ? demanda Nora alors que Stephen l'obligeait à avancer entre les rangées de bougainvilliers.

— Je vous l'ai déjà dit, Mademoiselle Jenkins, déclara le garde en ancrant son regard dans celui de son interlocutrice. Les questions seront pour plus tard. Le temps presse !

Sur ces mots inquiétants, la jeune rebelle ne chercha pas à avoir davantage de réponses et avança au même rythme que son allié. Bientôt le courant de la rivière n'était qu'un lointain son et Nora se vit s'enfoncer dans le noir, vers une destination dont elle ignorait l'existence.

***

La lune était entièrement cachée par le volcan si bien que la vision de Nora peinait à s'adapter dans cette nuit obscure. Elle avait beau froncer les sourcils, seule la carrure imposante du garde allié arrivait à se dessiner dans son champ de vision. Sa silhouette était légèrement plus sombre que le reste de l'environnement, c'était le seul point distinctif entre eux et l'île. Sans cela, Nora aurait l'impression de demeurer seule. Même si elle ne pouvait pas compter sur sa vue, ses autres sens s'étaient décuplés pour compenser cette perte. Chaque grillon qui chantait, chaque branche qui frémissait, chaque pas qu'elle et Stephen faisaient, elle les entendait. Cela pouvait paraître déstabilisant à première vue, mais cela rassura Nora. Elle avait alors l'impression que le monde tournait comme il n'avait jamais cessé de tourner.

Cependant, une ombre au tableau refit surface lorsque la jeune Jenkins sentit son cœur battre à une vitesse affolante. Les pulsations se rythmaient à la cadence de sa course et bientôt, le souffle lui manqua. Elle voulut tousser, puis s'arrêter, mais voir l'ombre de Stephen s'éloigner ne serait-ce que d'un mètre l'en dissuada. Elle prit sur elle, inspira une grande goulée d'air frais, et accéléra. Du bout des doigts, elle effleura l'épaule de l'agent Stuttgart. Aucun signe de tendresse dans ce geste, elle voulait juste se rassurer en se prouvant qu'il était toujours là. Silencieux mais bien présent.

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