Chapitre 25

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Les rues du quartier Central étaient vides. Il était tôt et le soleil venait à peine de se lever, mais tous les habitants avaient déjà rejoint leur lieu de travail. Stephen errait dans une ville vide et fatiguée, à l'image des personnes qui l'habitaient. Lui aussi, il était fatigué. Il n'avait pu fermer l'œil de la nuit. Était-il possible que le temps que le séparait des retrouvailles avec sa mère était si mince. Oui, ça l'était. Et son état d'excitation se démultipliait au fil des pas.

Bientôt, il arriva sur la place centrale. Il jeta un coup d'œil vers le café de Monsieur Bob, qui ne l'était plus. Il s'arrêta un instant et continua sa contemplation en silence. Pendant une minute exactement. Il se tut une minute pour manifester le respect qu'il éprouvait à l'égard de cet homme qu'il n'avait pas vraiment connu. Une minute passa et il s'en alla.

Les rares pauvres qu'il croisa fuyaient à sa vue. Les agents font peurs, et il le savait. Les collègues abusaient de cette peur pour terroriser les gens, lui, il faisait profil bas. En réalité, il n'avait jamais compris ses collègues et jamais il n'avait cherché à les comprendre. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il ne voulait pas de leurs méthodes de travail. Lui, il voulait faire régner l'ordre sur Baltivia, et non la terreur. C'était un idéaliste, au fond. Un idéaliste, comme Nora.

Stephen se surprit à regarder le quartier Central avec un œil nouveau. Au-delà de la misère des gens, il vit quelque chose de plus profond. Au-delà de la peur éprouvé à son égard, il vit de la douleur et de l'indignation. Il n'était pas à sa place ici et, en réalité, personne ne devrait avoir sa place ici. Ou plutôt, tout le monde devrait avoir sa place ici, mais pas sous le gouvernement de Monsieur Rosenbach.

Stephen traça la route. Il n'osait plus regarder les gens qu'il voulait sauver avant de se décider à fuir. Il ne devait plus penser à eux. Il devait être égoïste et lâche. Il ne devait penser qu'aux noms sur la liste. Personne d'autre. Nora et lui n'avaient pas les épaules assez larges pour secourir les autres. Il se déchirait le cœur lui-même d'être lâche, mais il le devait.

Son pas précipité l'emmena rapidement à l'atelier. Il avait fait peu de gardes dans cet endroit, Il franchit le grillage, escalada la pente et se pointa à l'entrée. Et de ses collègues étaient déjà sur place et à l'arrivée d'un de ses compères, il s'autorisa un sourire.

— Putain, mec, dis-moi que tu viens me remplacer ! J'en peux plus de faire la garde ici. Au moins, quand on fait la garde au réfectoire, on peut bouffer à volonté. Mais ici, qu'est-ce que j'en ai à foutre d'une robe ! Ma femme en a déjà assez et puis celle que je baise, il est hors de question que je lui en offre une !

Stephen retint le coup qu'il voulait envoyer à son collègue. Ce connard ne méritait pas qu'on perde son temps pour lui. Alors, Stephen resta stoïque. C'était le mieux à faire.

— Ouais, ouais, mon pote, répondit Stephen en enfilant son masque d'agent. J'ai été assigné ici pour la journée, fais chier !

— Tu m'étonnes ! s'exclama l'enflure plein d'enthousiasme. Mais, du coup, on t'a donné des ordres pour moi ? Je me pointe où maintenant, moi ?

Un quart de seconde suffit à Stephen pour trouver une réponse.

— Putain, merde, je crois qu'ils ne m'ont pas donné l'info ! Désolé mon pote, s'excusa faussement Stephen. Au pire, si tu te la joues discret, t'as qu'à rejoindre ta femme.

Stephen ponctua son conseil d'un clin d'œil salace. Il se dégoûtait.

— Tu parles ! Je vais plutôt aller voir l'autre chienne ! Elle adore quand je viens la tringler à l'improviste.

Le collègue de Stephen ne demanda pas son reste, et parti en vitesse.

— Connard, murmura Stephen.

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