UnFortunéum

Chapitre 26

Huit personnes étaient désormais alignées devant Nora et Stephen, non loin du champ de bougainvilliers. Emy était la plus sereine d'entre eux. Elle était en réalité la seule à réellement comprendre la situation. Les parents de Nora, Gretchen, Paco et sa famille étaient encore sous le choc de savoir Nora vivante. Bien que le moment des multiples effusions de sentiments, d'amour et d'émotions eut lieu, il était très difficile pour Rachel et Phillip de savoir leur fille vivante. Ils avaient d'abord été si heureux de la retrouver, elle, leur petite fille, leur unique descendance qu'ils chérissaient tant. Ensuite, ils avaient été si émus d'apprendre que Nora et UnFortunuém ne faisait qu'un. Ils auraient dû savoir que cette voix pour le peuple était leur fille. Leur instinct de parents les avait trompés. Rachel ne tenait plus en place et souhaitait prendre encore et encore sa fille dans ses bras. Cependant, l'instant des retrouvailles était terminé. Paco n'avait guère pu échanger des mots avec son amie, laissant bien évidemment la place à la famille Jenkins. Avec Lily dans ses bras, Paco avait pris pour mission de rassurer sa petite sœur qui était totalement confuse.

- Ne t'inquiète pas, mon ange, commença Paco en rassurant sa sœur, on va écouter Nora et le Monsieur en uniforme...

Lily fit les gros yeux et ouvrit la bouche de terreur.

- Chut, Lily, chut. Ce Monsieur en uniforme est un gentil, d'accord ? Il nous aime bien et il veut bien nous aider à vivre une vie plus heureuse. Tu comprends ce que je veux dire ?

La petite blonde, qui avait caché sa tête dans l'épaule de son frère se dégagea et hocha la tête.

- Super, tu es la meilleure ! s'exclama Paco, enthousiaste. Maintenant, je vais te déposer par terre et tu vas sagement écouter Nora et le Monsieur gentil.

- Et si je ne comprends ce qu'ils disent ? demanda la petite avant d'enfouir son pouce dans sa bouche.

- Si tu ne comprends pas, Lily, lui répondit Paco, tu lèves la main et tu attends qu'on te donne la parole. Et seulement à ce moment-là tu pourras dire « Je n'ai pas compris », d'accord ?

- J'ai compris !

Paco ébouriffa les cheveux de sa sœur et s'esclaffa avant de déposer sa sœur sur la terre humide.

La nuit était tombée depuis bien longtemps désormais. Il faisait froid, humide et venteux et il n'était pas rare d'entendre quelqu'un de l'assemblée claquer des dents. Stephen avait bien expliqué au préalable l'heure et le lieu de rendez-vous et pour cause, c'était l'heure du roulement au sein de son service et ses collègues de l'après-midi n'attendaient pas ceux de la nuit pour rentrer chez eux. Il y avait souvent un laps de temps d'une trentaine de minutes où la garde était moins renforcée. C'était donc le moment idéal pour agir.

Faisant un pas en avant, Stephen laissa Nora en retrait. Ils avaient convenu ensemble que les directives seraient données par le garde, bien plus calé sur le plan échafaudé. Le rôle de Nora était de tempérer les autres en cas de révolte face à Stephen, un riche. Il était aussi convenu que ce soit elle qui réexplique en cas d'incompréhension car ils la connaissaient et chacun pouvait lui faire confiance.

- Je vais tenter d'être bref, démarra Stephen. Paco a dû rapidement vous parler de la fuite je présume, alors je vais aller à l'essentiel.

Son ton était assez directif et un coup d'œil vers Nora lui confirma sa crainte alors il reprit plus doucement :

- À un peu plus de 100 mètres d'ici, se trouve le grillage qui délimite la zone du volcan à ne pas franchir. La nuit dernière, j'ai fait un passage dans ce grillage en prévision de cette nuit. À la file indienne, nous allons tous y passer. Paco, tu ouvriras la marche avec Nora et moi, je fermerai la marche. Vous vous arrêterez à la lisière de la forêt afin d'attendre tout le monde. Je vous préviens tout de suite, mais vous le savez déjà, nous ne sommes pas à l'abri de secousses sismiques. Cette fuite est loin d'être une promenade de santé et des efforts physiques seront nécessaires pour arriver de l'autre côté du volcan, sur la côte. Cette traversée devrait nous prendre trois jours, tout au plus. Là-bas, un bateau du Service des Forces de l'Ordre nous attendra. Ce dernier est équipé d'une salle de contrôle et d'une salle de pause. Dans les placards des deux salles, j'ai soigneusement caché des vivres ainsi que des sacs de couchages et un peu de linge. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous alourdir lors de la traversée du volcan, donc devant vous, vous avez chacun un sac avec le strict minimum pour ces trois jours à venir : nourriture, eau, et une couverture. Je m'en excuse, par souci de temps et d'organisation, je n'ai pas pu faire mieux mais si j'estime que le voyage est faisable avec ce que contient chaque sac, c'est qu'il l'est.