Chapitre 8

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La nuit était tombée sur Baltivia depuis plusieurs minutes. Le calme était à son comble. Toutes les maisons du quartier Central étaient fermées, les rideaux tirés, les cheminés éteintes. Aucun habitant du quartier ne souhaitait voir les vestiges de la journée passée.

Le puits n'était plus qu'un tas de gravats où l'eau ne pouvait plus circuler. Les quelques feux toujours rougeoyants par leurs braises, terrorisaient encore les pauvres. Malgré le fait que la fumée se soit dissipée, l'air était empli de particules de charbon nauséabondes et nocives pour la santé de chacun. Quelques pavés de la place étaient retournés sur le sol et laissaient apparaître de la terre boueuse dans laquelle il était facile de s'enliser.

Le quartier était aussi ravagé que lorsqu'une tempête sévissait. Cependant, cette dernière n'avait pas été d'ordre météorologique.

Plus tôt ce jour-là, les habitants du quartier étaient restés tétanisés un long moment après le départ des gardes. Chaque regard exprimait de la peur ou du dégoût, mais un d'entre eux était plus expressif que les autres.

La femme aux côtés de Nora ne ressentait pas seulement de la peur et du dégoût. On pouvait voir aussi de la haine doublée de tristesse habiter son regard. Ses yeux étaient toujours posés sur son fils et les larmes roulaient instinctivement à la vue de son corps, étalé sur le sol.

De là où se trouvaient cette mère et Nora, il était impossible de déduire si les blessures avaient été fatales ou non. Malgré tout, les craintes de cette femme se confirmèrent quand un des rebelles qui se trouvait près du jeune garçon lors de ses sévisses, vint à sa rencontre.

— Je suis désolé, Madame Hoeckin, murmura-t-il de désespoir.

Le cri que poussa la dénommée Madame Hoeckin était tout aussi déchirant que celui de son fils, quelques minutes auparavant. Toutes les émotions qu'exprimaient ses yeux étaient traduites dans ce hurlement.

Beaucoup voulurent la consoler, tant bien que mal, mais la perte d'un enfant était la chose la plus affreuse qu'une mère pouvait ressentir. Cette femme était inconsolable sur le moment, et sûrement, le serait-elle à jamais.

Nora fit alors le geste qui lui semblait le plus approprié : elle trouva la main de cette mère en deuil et exécuta une légère pression pour lui montrer son soutien. Aucune parole ne pouvait pallier le manque de cette femme, alors Nora garda juste sa main dans la sienne jusqu'à ce que Madame Hoeckin la relâche. La femme tourna ensuite le regard et la jeune Jenkins prit ce geste comme un au revoir, et s'en alla, non sans regarder derrière elle à plusieurs reprises.

La foule s'était déjà dissipée et Nora ne voyait que cette femme, encore entourée de quelques personnes, sûrement les habitants qui lui étaient le plus proche. Alors qu'elle détournait les yeux pour regarder droit devant elle, Nora vit le corps de l'enfant, toujours allongé au sol. Une larme coula sur sa joue et elle ne prit pas la peine de l'effacer, elle devait couler. La couturière hésita un instant à faire demi-tour pour emmener le corps quelque part et ne pas laisser la trace de ce désastre périr sur le sol de la place mais elle en était incapable.

Ce geste de lâcheté avait provoqué un haut-le-cœur chez Nora mais elle ne souhaitait pas prendre cet enfant dans ses bras alors qu'elle lui avait causé la mort. C'était au-dessus de ses forces. Elle continua alors à marcher vers sa résidence en pensant à une seule et unique chose.

J'ai tué un enfant.

Enfermée dans sa chambre, Nora ne savait plus quoi penser. Ses joues furent baignées de larmes tout le reste de cette journée et, maintenant que la lune avait pris place dans le ciel, elle ne pleurait plus. Ses yeux étaient secs, irrités et piquants. Jamais elle n'avait autant pleuré et elle ne souhaitait pas le faire de nouveau.

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