Chapitre 10

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Nora se frotta les yeux à l'aide du dos de ses mains. Son réveil venait de retentir et elle n'était en aucun cas, apte à se lever. La nuit avait été courte et infernale. Toutes ses pensées s'étaient tournées vers le délit qu'elle avait commis durant la nuit. A cela, Nora devait ajouter le mal qu'elle avait eu pour se réchauffer. La jeune femme avait grelotté toute la nuit, ses dents avaient claqué, grincé, si bien qu'elle se rappelait encore du bruit qui émanait de sa bouche.

Nora ne voulait pas sortir de la couette. Même si cette dernière n'était pas bien épaisse, cela la tenait relativement au chaud. Ou du moins, ce drap créait une barrière entre son corps, qu'elle essayait de garder un tant soit peu tiède, et l'air glacial qui envahissait la pièce.

Après un laps de temps qu'elle qualifiait de raisonnable, Nora souleva la couette et retint un cri. L'air était bien plus frais qu'elle ne l'avait pensé et bientôt, ses pieds qui touchèrent le sol gelé le temps d'un instant, se retrouvèrent emprisonnés dans de larges chaussettes de laine, tricotées par l'ancienne doyenne du quartier, Madame Turphy.

La vieille femme avait offert des chaussettes à tous les enfants du quartier Central un Trente Octobre. Nora ne se souvenait plus de l'année exacte mais elle avait dans les environs de huit ans. Peut-être neuf. La seule chose dont se souvenait la jeune Jenkins, c'était de la générosité inconditionnelle de cette brave femme qui prenait le dessus sur sa pauvreté grandissante.

Si Baltivia était peuplée de personnes comme Madame Turphy, l'île se porterait bien mieux.

Il ne fallut pas beaucoup de temps à Nora pour enfiler le sweat de la veille qui traînait encore au sol. C'était le plus chaud de sa modeste garde-robe, bien que ce terme soit inapproprié face à la non-ampleur de sa pile de vêtements.

Alors que Nora passait ses mains dans la poche centrale du pull, elle sentit une bosse dans celle-ci. Elle n'avait pas souvenir d'y avoir rangé quelque chose, Nora n'avait jamais rien sur elle quand elle sortait hormis une pièce ou deux.

Un vague flash vint envahir ses pensées à l'instant où l'objet non identifié apparut dans son champ de vision.

Une tranche de viande séchée.

La vue de ce vivre lui donna l'eau à la bouche et sa première pensée fut de l'engloutir dans la seconde. Cependant, elle s'abstint. Elle avait eu une toute autre idée quand elle avait dérobé cette nourriture et Nora devait s'y tenir.

Après avoir enfilé un pantalon, Nora se passa les doigts dans les cheveux pour se peigner du mieux qu'elle pouvait. Ce matin-là, aucune toilette n'était possible, il n'y avait plus d'eau dans la maison. Nora rit en repensant au seau de la veille qu'elle aurait, au final, pu garder.

Un bref regard par la fenêtre lui apprit que le ciel était gris et que la pluie menaçait de tomber à tout instant. La jeune Jenkins ne s'attarda pas davantage dans sa chambre et s'en alla rejoindre ses parents dans la cuisine.

Sa mère se trouvait aux fourneaux. Elle cuisinait des œufs brouillés, malheureusement cramoisis compte tenu de l'état de la poêle. Le récipient aurait dû être changé bien des années auparavant mais l'achat d'ustensiles était considéré comme une perte d'argent monumentale aux yeux des habitants du quartier Central.

Son père, quant à lui, était attablé en train d'attendre son petit déjeuner. Il lisait la gazette de la veille pour faire passer le temps. N'ayant pas les moyens de se l'acheter le jour-même, à la fermeture du café, Monsieur Bob glissait le journal sous la porte de ses voisins.

— Bonjour ! fit Nora en entrant dans la pièce.

Son ton se voulait joyeux malgré la fatigue qui l'assaillait.

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