Chapitre 11

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Nora essaya de s'approcher de sa meilleure amie, en vain. Plus elle espérait pouvoir la rejoindre, plus elle semblait s'en éloigner. Son regard était toujours ancré dans celui d'Emy qui brusquement, s'emplît de larmes. Nora ne comprenait rien, elle était perdue. Désespérément perdue. Pourquoi les forces de l'Ordre étaient-elles au café ? Pourquoi Emy semblait-elle ne rien comprendre ? Tant de questions s'immiscèrent dans l'esprit de Nora, mais aucune réponse ne vint combler le vide.

— Reculez ! Reculez ! hurla une voix grave.

Le ton employé était dur, avec une pointe de provocation. Nora reconnut rapidement la voix typique d'un garde et elle l'identifia instantanément dans la foule. Grand, baraqué, tout de noir vêtu. Il fendait la foule en deux dans l'espoir de laisser un passage à ses collègues qui débarrassaient le café. L'un portait un lourd carton dans ses bras tandis que les deux autres traînaient Monsieur Bob, en dehors de ses murs, telle une serpillère usagée.

Ce spectacle fendit le cœur de Nora, d'autant plus quand elle vit le premier garde tabasser à coups de matraque les éléments perturbateurs qui barraient son chemin.

Un flash vint envahir son esprit et rapidement, elle revécut le Trente Octobre, lorsqu'un de ces gardes avait fouetté le jeune Travis à mort. Le cœur de Nora se serra et une larme roula sur sa joue. Elle ne prit pas la peine de l'essuyer, elle devait évacuer.

Pauvres gens...

La jeune Jenkins ne savait plus où donner de la tête. Devait-elle aller à la rencontre de Monsieur Bob ? Ou plutôt, calmer les ardeurs du garde un peu trop combatif ? Ne sachant pas quelle solution était la moins dangereuse, Nora resta clouée sur place, abattue.

— On fait quoi de la fille ? cria un des gardes en désignant Emy de la tête.

— Plutôt mignonne, fit le premier alors qu'il arrêtait ses coups pour se concentrer sur la jeune Clarks.

Le sang de Nora bouillonna de plus belle. Il était hors de question que l'un de ces hommes ose mettre la main sur sa meilleure amie. D'un coup d'épaule, elle commença à pousser son voisin de foule pour se frayer un chemin, mais elle n'eut pas le temps de faire deux pas qu'une voix masculine retentit dans toute la place.

— Laisse-la pour le moment, décida un des hommes en noir qui trainaient Monsieur Bob. Si Papy n'est pas bavard, on saura où la trouver.

L'homme ponctua sa phrase par un clin d'œil avant de rire sournoisement. Les poings de Nora se serrèrent, ses dents claquèrent, mais elle décida de ne pas faire un geste de plus. La situation était déjà assez compliquée et elle ne souhaitait pas envenimer les choses. Plus vite la foule s'en irait, plus vite elle pourrait se jeter dans les bras d'Emy pour lui dire que tout irait bien.

Les gardes se firent huer durant toute leur traversée de la foule. Ils faisaient la sourde oreille, et pourtant, cela se ressentait qu'ils aimeraient faire une seule et unique chose : prendre leurs armes et abattre ce troupeau de pauvres qui n'étaient que des parasites, à leurs yeux. Mais ils devaient suivre les ordres du gouverneur et ce dernier avait bien stipulé :

— Ramenez-moi le propriétaire du café le plus rapidement possible. Et surtout, évitez d'en tuer, on a déjà un cadavre sur le dos depuis leur stupide fête.

Alors le garde qui ouvrait la marche avançait, tête baissée. Ses muscles contractés le démangeaient, mais il tenait bon. Plus que quelques mètres et il retrouverait le confort de ses quartiers.

Aucun pauvre ne se mit en travers de leur passage, ayant compris leur triste sort s'ils osaient se rebeller. Tout le monde les regardait partir, dans la nuit noire. Les cris et les insultes fusaient, mais personne ne souhaitait les affronter. Personne ne voulait mourir ce soir.

UnFortunéumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant