D'abord, ce fut de la tristesse que Nora éprouva. Son fin visage blafard, tacheté de rougeurs, s'humidifia de lourdes et grosses larmes d'enfant. Ses pleurs étaient silencieux, mais bel et bien réels. Ils creusaient davantage les joues de Nora. Sa tristesse la vieillissait. Sa tristesse la rendait démunie. Mais en aucun cas elle ne souhaitait partager sa peine.
Ensuite, un sentiment de colère vint secouer sa détresse. Ses sourcils se froncèrent. Ses yeux exprimaient toute la noirceur de ses sentiments. Un revers de la main suffit à ôter toute trace de larmes. Le silence régnait toujours. Pourtant, Nora souhaitait crier, hurler de toutes ses forces, sortir la haine imprégnée dans ses tripes. Mais elle n'en fit rien. Elle lançait uniquement un interminable regard noir à Stephen. Stephen, qui restait immobile, ne sachant pas quoi faire ni penser. Nora le fixait comme si elle le découvrait pour la première fois. La beauté du jeune homme lui donnait envie de vomir et son air incrédule, de l'étrangler. Cependant, elle n'entreprit aucun geste. Elle le regardait. Chaque centimètre carré du visage de Stephen devait le brûler, le faire souffrir. Mais il tint bon face au regard de Nora. Ce regard qui, brusquement, exprimait un tout autre sentiment.
Une grande inquiétude était perceptible dans les yeux de Nora. Un voile de panique translucide embuait sa vision. Ses sourcils se décontractèrent. Ses lèvres s'ouvrirent. Elle réalisait alors qu'un être humain lui faisait face. Un visage, un nez, une bouche, des yeux, des cheveux... Elle n'était pas seule. Elle était entourée, contrairement à Emy.
— Où est-elle ?
Cette question était semblable à un cri. Ou peut-être à une supplique. Peut-être un simple mélange des deux.
— Je... je ne sais pas, répondit Stephen, pris au dépourvu, ne s'attendant pas à voir s'exprimer Nora aussi brusquement. Je ne sais pas où ils ont pu l'emmener après son meurtre. Je suis sincèrement désolé. J'enquêterai dessus pour le savoir si tu le souhaites.
— Bien sûr que je le souhaite, s'emporta Nora avec véhémence, on ne peut pas la laisser dans ces conditions. On a besoin d'elle !
— Besoin d'elle ? s'étonna Stephen. Je... je ne te suis pas, Nora. Pourquoi avons-nous besoin de la dépouille de ton voisin ?
Les yeux de Nora s'agrandirent d'horreur. Comment Stephen pouvait-il oser considérer Monsieur Bob comme un simple « voisin » ?
— Besoin de la dépouille ? La dépouille de Monsieur Bob ?! Triple idiot, je te parle d'Emy. Emy, sa petite-fille. Emy, ma meilleure amie. Emy, ma voisine. Si Monsieur Bob est mort...
Une larme coula sur sa joue suite à ses mots et elle les reformula instantanément.
— Monsieur Bob est mort. Il nous a quittés, donc il a quitté Emy. Où est-elle passée ?
— Je n'en sais rien, avoua Stephen, plus mal que jamais.
Le poing de Nora vint choquer l'épaule de Stephen. Une légère et chaude douleur envahit son articulation le temps de quelques secondes à peine.
— Retrouve-la ! Retrouve-la et amène-la ici.
Nora avait aboyé ces paroles. Elle s'en foutait de ce que pourrait dire Stephen. Elle était mal et il était le seul sur qui elle pouvait déverser sa colère.
— Je... je... D'accord.
Il pouvait bien faire cela pour elle.
À présent, Stephen cherchait le regard de Nora pendant qu'elle, elle était occupée à fuir le sien.
— Tu veux en parler ?
— Non, surtout pas. Je veux que tu t'en ailles et que tu reviennes uniquement avec Emy à ton côté.
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UnFortunéum
Science FictionCarter Rosenbach prit le pouvoir de Baltivia 20 ans auparavant. Il créa alors le Fortunéum : gouvernement oppressant où les pauvres sont exploités et encerclés par les riches. Depuis cette époque, l'inégalité règne sur l'île et personne n'ose trouve...