Chapitre 20 : Souvenirs perdus - Partie II

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Éblouie par un rayon de soleil, Selena dut patienter quelques instants avant de reconnaître l'endroit. Elle était à la lisière de la forêt de Brocéliande, à proximité de la maison. Était-elle rentrée ? Cette arcade n'avait peut-être été qu'un passage la ramenant chez elle. Elle n'était ni un chevalier, ni une magicienne. Avait-elle été disqualifiée ?

Elle prit le chemin du moulin. Adrian pourra sûrement lui expliquer ce qu'il se passait. Justement, son oncle était sur la terrasse, appuyé sur la rambarde. Son regard ne quittait pas la forêt. Selena marcha plus vite, puis courut. Elle était si soulagée de le voir. Elle cria son nom en levant la main. Il ne montra aucune réaction. Elle freina brusquement. Il y avait quelque chose d'étrange. Adrian paraissait différent. Plus jeune, plus soigné. Elle approcha doucement et l'appela une deuxième fois. Il ne réagit toujours pas.

« Il ne me voit pas », en conclut-elle. « C'est peut-être un autre de mes rêves... »

Un homme sortit de la maison. Il était plus petit et plus jeune que son oncle. Il avait les mêmes yeux noirs qu'Adrian et ses cheveux étaient bouclés. Son visage était si familier. Selena monta sur la terrasse pour l'observer de plus près. Sa poitrine se serrait. Se pourrait-il que... ?

– Elle ne devrait pas tarder, parla l'inconnu.

L'inquiétude était ancrée sur ses traits.

– Tu as l'air épuisé, Nicola. Ça va aller ? demanda Adrian.

Son cœur rata un battement face à ces mots. Nicola... C'était le nom de son père.

– Papa ? murmura-t-elle.

« Ne pleure pas, ne pleure pas, ne pleure pas. » Elle s'approcha timidement de lui. Il l'ignora comme Adrian. Elle tendit le bras pour le toucher, pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une illusion. Pour établir un lien avec son père. Mais à quelques centimètres de son corps, quelque chose l'en empêcha. C'était une sensation étrange, semblable à deux forces aimantées contraires.

Son père dont elle n'avait pas le moindre souvenir était là devant elle, et elle ne pouvait établir un seul contact. « Mais c'est mon père, bon sang ! Laissez-moi au moins le toucher ! » Elle avait envie de crier de désespoir.

– Je me reposerai plus tard. Je veux juste les voir, répondit-il.

– J'espère qu'elles parviendront à s'habituer, continua Adrian. Certaines ne s'y font jamais. Ce monde est tellement différent du leur.

– Nous n'avons plus le choix. Et puis, tu la connais. C'est une force de la nature. Elle y arrivera.

Il ne pouvait s'empêcher de faire les cent pas, la mine préoccupée. Selena sourit. Comme Adrian. Les deux frères avaient les mêmes habitudes.

– C'est long, dit-il en regardant la forêt.

– Soit patient, dit Adrian.

– Je devrais être avec elles.

– Tu n'aurais rien pu faire, Nicola. Détends-toi ! Tu commences à me stresser. Elle te l'a répété des centaines de fois. Tout se passera bien.

– Je n'en serais sûr que lorsque ma famille sera dans mes bras !

« Sa famille ». Selena se couvrit la bouche. Allait-elle voir sa mère, elle aussi ? Une nuée d'oiseaux quitta tout à coup les arbres de la forêt. Ce n'était pas normal. Leur chant criait au danger. Un bruit assourdissant, semblable au rugissement de la foudre, se fit alors entendre.

Le Sidh - Les héritiersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant