Le Sidh - Les héritiers

Chapitre 23 : Le sixième sens

Il recracha le liquide sur le visage de son geôlier. En réponse, un violent coup le cloua au sol. Il ricana. Ce n'était rien par rapport à la douleur qui le torturait. Une caresse. Les deux agresseurs le plaquèrent. Ils introduisirent ensuite le liquide froid et visqueux de force et fermèrent sa bouche. S'il voulait respirer, il devait avaler. De nombreux soubresauts secouaient sa poitrine. La nourriture était immangeable. Probablement avariée. Et il avait avalé de travers en tentant de prendre une inspiration.

Ils le nourrissaient de force. Ils avaient besoin de lui en vie. Le sortilège ne fonctionnait que si sa victime était vivante. C'était bon à savoir. Il tendit sa jambe pour frapper au visage le deuxième individu. Avec succès. Il entendit un craquement très satisfaisant. Probablement le nez.

Ils le rouèrent de coups en réponse. Il les sentit à peine. Cela lui donna envie de rire. Peut-être devenait-il déjà fou... Des cris de l'autre côté du mur parvinrent jusqu'à lui. Son compagnon d'infortune :

– Laissez-le !

Cela redoubla plutôt leur ardeur de vouloir lui briser les côtes. Mais qu'importe. Leurs coups n'étaient rien. Ses nerfs étaient déjà brûlés par la malédiction.

– Je vous jure que j'aurais votre peau ! hurla son ami.

Mais ses cris ne pouvaient rien faire. Personne ne pouvait rien faire pour le sortir de cet enfer.

*

Plus sourd que le précédent, le grondement ne fut pas suivi d'un séisme. Le son croissait de plus en plus, comme si la chose qui en était la source se rapprochait. Il provenait du sommet de la montagne. Selena leva la tête en direction de la cime. Adam à ses côtés se crispa. Gabriel et Elliot jurèrent en cœur. Will et Melvin reculèrent de quelques pas. Quant à elle, elle se demanda si elle n'hallucinait pas.

Dévalant les pans en hauteur, des tonnes et des tonnes de boue rouge affluaient dans leur direction. Tel un raz de marée, elle ravageait tout et ne laissait aucune parcelle échapper à son passage. Elle allait balayer le groupe à coup sûr. Ils seraient, soit écrasés par la violence de l'impact, soit projetés hors du plateau en direction du vide. Dans tous les cas, tous seraient tués, et pas agréablement...

– Il y a une grotte là-bas !

Adam pointait du doigt une ouverture dans la paroi en face d'eux.

– Oui ! approuva Gabriel. Et elle a l'air profonde.

Seulement, pour s'y rendre, il fallait se précipiter à toute vitesse vers la coulée qui progressait juste au-dessus. Or Selena n'avait qu'une envie : détaler dans l'autre sens. Adam s'élança et rompit sa léthargie :

– Dépêchez-vous ! Courez !

Selena le suivit par automatisme. Elle trouvait ça complètement dingue. Une immense vague arrivait sur eux, et ils se ruaient vers elle avec acharnement. « La peur donne des ailes ». Elle se rendait maintenant compte de la véracité de ce proverbe. Elle n'avait jamais couru aussi vite.

Le chemin semblait s'allonger. Cette porte de secours, si désirable, était là à les narguer. Selena avait l'impression qu'ils ne l'atteindraient jamais. Le plus dur était de ne pas flancher sous la panique et de continuer à galoper de toutes ses forces vers la déferlante. Cette dernière était toute proche. Des gouttes brunes tapissaient aléatoirement le sol. Même la terre tremblait face à la puissance du monstre de boue. Ils y étaient presque. L'entrée n'était qu'à quelques mètres. Un peu plus, juste un peu plus.