En réponse à ses mots, une silhouette apparut devant eux. Selena avait détourné le regard une fraction de seconde pour qu'elle se montre sans prévenir. C'était un homme aux cheveux noirs. Sa cape sombre cachait une armure légère, faite de métal gris et de tissu bleu. Il avançait dans leur direction avec une démarche assurée. Selena avait déjà vu cet individu. Le fantôme du chemin sur l'eau avait pris ses traits. Et cela avait fait naître une si grande haine en elle qu'elle en avait perdu toute raison. Le sourire de cet homme n'exprimait aucune gentillesse, aucune bonté. Il était vide. Tout comme ses yeux rieurs, d'un gris très clair, qui ne reflétaient qu'un profond désintéressement. La colère gonfla dans le ventre de Selena. Elle était moins intense que la dernière fois, mais l'étrange envie de lui arracher les yeux était toujours présente. Will recula pas à pas. Son visage dégageait de la défiance, mais aussi de la peur :
– Ce n'est pas possible. Tu ne peux pas être là.
Un grondement résonna dans la plaine. Selena tourna la tête. Une masse grise était apparue parmi les fleurs. De longues oreilles dressées, une gueule immense, et un corps grand et élancé. Un uros.
Son rythme cardiaque augmenta en flèche. Melvin parla d'une voix basse :
– Selena, je sais que c'est dur à croire, mais ce n'est qu'une hallucination.
– Si c'est une hallucination, pourquoi la voyez-vous aussi ? murmura-t-elle.
La bête posa son regard sur elle et avança d'un pas. La respiration hachée face à la peur, Selena recula petit à petit. Ce n'était qu'une illusion, rien de réel.
Dans un rugissement, l'uros s'élança et galopa vers elle. Et sans perdre une seconde, elle courut dans le sens opposé. Toutes ses bonnes volontés pour ignorer l'hallucination s'étaient envolées. Melvin cria son nom au loin, mais elle ne pouvait plus faire marche arrière. Son esprit était obscurci par la peur. Elle ne pouvait que s'enfuir à la recherche d'un abri. Seulement, il n'y avait pas d'arbres jumeaux dans cet endroit ni aucune autre cachette qui puisse la mettre en sécurité. Le champ de fleur était l'unique occupant des lieux.
Le cri de l'uros retentit derrière elle. Son corps s'arcbouta, sa respiration se bloqua et elle s'effondra au sol. Les mains crispées sur ses oreilles n'arrivaient pas à diminuer la souffrance qui irradiait chacune de ses cellules. « Ce n'est pas réel. Ce n'est pas réel. »
La bête cessa de crier et la douleur prit fin aussi vite qu'elle était apparue. Sans perdre un instant, Selena força son corps tremblant à se relever et à se remettre en course. Pas question d'abandonner. Il lui fallait juste du temps pour surmonter sa peur. Son élan fut alors coupé par un deuxième uros, surgissant comme par magie devant elle. Il bondit dans sa direction, toutes griffes dehors. Par réflexe, elle se jeta en arrière et protégea son visage avec les bras. Elle chuta tandis qu'une vive lancination enflammait ses avant-bras. La bête avait réussi à l'entailler.
Affalée au sol, Selena agrippa ses membres blessés en gémissant. Il était dur de nier l'illusion en cet instant. Le sang qui s'écoulait des plaies était réel et la souffrance l'était tout autant. Elle redressa la tête. Sans la quitter du regard, les uros formèrent un cercle autour d'elle, cherchant sans doute à déterminer lequel des deux la croquerait en premier. Et cela ne tarderait pas d'après les litres de salive qui ruisselait de leur bouche entrouverte. Selena ferma les yeux en répétant inlassablement la même phrase : « Ce n'est pas réel. Ce n'est pas réel. Ce n'est pas réel. »
Le grondement qui s'échappa de l'un des monstres lui indiqua que cela ne marchait pas du tout. Qu'avait dit Melvin, déjà ? Qu'il fallait supprimer ses sens ? La solution lui vint alors en pensée. Mais oui ! Supprimer ses sens ! Et ça, elle en était capable. Mais allait-elle y arriver à temps ?
VOUS LISEZ
Le Sidh - Les héritiers
FantasíaCela commença avec un rêve. Puis vint l'agression. Depuis, la perception de Selena changea petit à petit. D'anciens héros et des créatures de légendes apparurent. Des voix, des rêves et d'étranges dons se révèlerent à elle. Et si les légendes qu'el...