Le Sidh - Les héritiers

Chapitre 4 : Songes et visites - Partie III

Durant les jours qui suivirent, Selena consacrait la plupart de son temps à dormir. Malgré sa cicatrisation rapide, elle restait épuisée, au point qu'elle rêvait parfois éveillée. Ces songes, paisibles et chaleureux, la transportaient à proximité de chez elle, dans la forêt de Brocéliande. Ils étaient si réalistes qu'elle pouvait sentir les odeurs de la terre et l'air soulever ses cheveux. Lorsqu'elle avait pu se lever et marcher sans aide, elle s'était soudainement retrouvée sur la berge d'un lac, à fixer le soleil qui se reflétait sur l'eau et à écouter les oiseaux chanter.

Le retour à la réalité était brutal et déstabilisant, mais pendant quelques instants Selena se sentait en paix. Selon le médecin, elle faisait des crises de somnambulisme en s'endormant debout. Durant ces périodes, elle déambulait dans les allées de l'hôpital, le regard vide, et Tomas devait lui courir après, pour la ramener dans sa chambre. De son point de vue, Selena trouvait ça amusant, elle avait l'impression de se téléporter, mais d'après l'infirmier, elle faisait peur à certains enfants qui croyaient voir un fantôme.

Lors de ses pérégrinations dans les couloirs tortueux de l'hôpital, Selena se rendait souvent en salle d'accueil. Là-bas s'y trouvaient des journaux qu'elle feuilletait avec attention. Elle espérait y dénicher des informations sur l'attaque ou sur le tireur. Mais aucun n'y faisait allusion. Un évènement de ce genre aurait dû faire la une dans de nombreux magazines. À part un braquage qui s'était mal déroulé et le toutou d'une mamie qui était tombé dans une bouche d'égout, aucune tentative de meurtre n'était répertoriée. Pourquoi personne n'en parlait-il ? À croire que cet évènement ne s'était jamais produit. Pourtant, Selena était à l'hôpital, avec un trou dans la poitrine, et même si elle avait abandonné l'espoir de retrouver la totalité de sa mémoire, elle avait encore des souvenirs liés à l'attaque.

Pour la dixième fois en quatre jours, Selena referma le magazine, dépitée, et sortit de la salle en direction de sa chambre. Qu'allait-elle bien pouvoir faire de sa journée ? Elle s'ennuyait, toute seule. Emma était venue la voir pour lui apporter quelques affaires, mais elle était encore occupée avec ses examens. Son amie lui avait paru distante et était partie rapidement. Adrian était toujours bloqué en Islande. Le mauvais temps s'était transformé en une tempête qui avait isolé le pays du reste du monde. Ils s'appelaient tous les jours, mais Selena devait avouer que sa présence lui manquait. Marie et Robin avaient promis de passer, mais elle attendait encore. Quant à Léo, elle n'avait que peu de nouvelles.

Selena tourna au bout du couloir quand une brise fraîche vint lui caresser le visage. Elle resta médusée quelques instants devant la scène qui lui était apparue. À la place des interminables murs blancs de l'hôpital se trouvait une forêt de pommiers. Leur feuillage d'un vert lumineux laissait entrevoir des éclats dorés. L'air floral frôlait la peau de Selena et l'herbe moelleuse vint se substituer au sol froid de la clinique. La jeune fille entendit des rires d'enfants, guillerets et remplis de bonheur à proximité. Selena aurait normalement dû être envahie de questions face à cette vision, pourtant elle souhaitait juste visiter cette forêt, qui lui paraissait étrangement familière. Elle avança le pied, déterminée à se promener dans cet endroit fantastique.

Quelqu'un lui toucha doucement l'épaule, et fit sursauter la jeune fille. En tournant la tête, elle vit le visage amusé de Tomas. Selena se retourna vers le paysage enchanté, mais seul le couloir blafard était présent. Elle avait encore eu un rêve éveillé...

– Tu as de la visite, lui annonça l'infirmier.

Selena rejoignit sa chambre et aperçut Marie et Robin qui agitaient les bras devant la porte. La joie qu'elle ressentit lui fit oublier la vision. Ils avaient apporté un bouquet de fleurs et des bonbons. Le groupe s'installa dans la pièce. Robin ouvrit la bouche pour parler, mais éternua plusieurs fois à la place. Le pauvre était allergique au pollen.