Le Sidh - Les héritiers

Chapitre 28 : Intuition à travers le brasier - Partie II

L'avancée fut éprouvante. Ils devaient courir à toute vitesse puis ralentir brusquement pour marcher à une faible allure, ou s'arrêter quelques instants afin de rester dans un endroit qui serait épargné des explosions ou des jets de gaz toxiques. Adam leur faisait souvent prendre d'interminables détours, mais il prédisait sans erreurs les zones sûres. Après de longues distances parcourues sans encombre, leur guide s'arrêta et prononça d'une voix tendue :

– Stop.

Tous l'imitèrent et attendirent ses instructions. Ils étaient face à un espace nu, sans aspérité et jet de gaz. Adam tournait la tête de droite à gauche plusieurs fois. Il semblait perdu. Gabriel jura.

– Qu'y a-t-il ? demanda Will.

– La zone est couverte de fissures, répondit Gabriel

– Et je suis persuadé que l'une d'entre elles ne va pas tarder à s'activer, ajouta Adam, mais je n'arrive pas à trouver laquelle.

Un grondement sourd se fit alors entendre. Quelques pierres jaunes roulèrent à leurs pieds. Les jambes de Selena fourmillèrent sous l'effet des vibrations qui parcouraient la terre. Adam fixait toujours le sol puis recula petit à petit :

– Quelque chose ne va pas. Il faut se replier. Vite !

Sous son injonction, tous firent demi-tour en courant.

Un sifflement strident retentit soudain derrière eux. Selena risqua un coup d'œil vers l'arrière. Ce n'était pas une fissure qui s'était activée, mais au moins une dizaine. Chacune d'entre elles libérait d'énormes cheminées de gaz, dont le sommet disparaissait dans le ciel opacifié par le brouillard. Une à une, elles se colorèrent en un bleu éclatant puis s'embrasèrent. Leur diamètre augmenta en taille si bien qu'elles entrèrent en contact et se regroupèrent en une monstrueuse tornade rugissante. Selena pouvait sentir la chaleur s'en dégager. Elle se détourna et se concentra sur sa course. Il fallait à tout prix s'en éloigner avant qu'elle n'explose et les transforme en confettis. Mais ce n'était pas facile. De nombreux geysers jaillissaient sur le passage, ce qui rendait leur fuite laborieuse. Ils devaient se soumettre à l'instinct d'Adam et avoir une confiance aveugle en ses directives.

Retentit alors une déflagration fracassante. Le souffle ardent qu'elle généra propulsa Selena en avant avec force. Pendant son interminable vol plané, diverses pensées se succédèrent. La première fut qu'au vu de la violence de l'explosion, celle-ci devait provenir de la colonne de feu. Ils avaient réussi à s'éloigner de plusieurs dizaines de mètres. Et pourtant, Selena flottait dans les airs tel un oisillon à ses débuts. La deuxième pensée fut consacrée à ses poumons complètement écrasés et au reste de ses organes qui criaient au supplice. La troisième se déclencha lorsqu'elle ouvrit les yeux que le choc avait fermés. Ses compagnons parcouraient eux aussi de longues distances en volant. Will battait curieusement des bras et des jambes. La troupe était accompagnée de cristaux, de terre, de sable et de rochers. Si Selena était épargnée par les plus gros objets, le sable fouettait sans répit chaque centimètre de son corps. Et enfin, sa dernière pensée fut que le sol se rapprochait et que la réception allait être sacrément douloureuse.

Le choc, brutal, fut suivi par des roulades interminables. Selena finit par s'immobiliser, allongée sur le dos. Un sifflement strident couvrait les autres sons. Le ciel scintillait, illuminé par des étoiles bleues. Et elles bougeaient. Elles bougeaient vite. Elles semblaient même tomber au sol, comme de la pluie. De la pluie incandescente. Selena ignorait que la pluie pouvait faire ça. C'était joli.

Une masse sombre et fumante s'écrasa soudainement à une trentaine de centimètres de sa tête, et éjecta du sable noir sur son visage. Retour à la réalité. Son abdomen se souleva sous l'effet d'une violente inspiration, chose qu'elle avait oublié de faire depuis son atterrissage. L'air brûlant pénétra dans ses poumons enserrés et réveilla le reste de son corps. À l'aide de ses bras, elle tenta de se relever. Difficilement, à cause de la douleur.