Le Sidh - Les héritiers

Chapitre 24 - Bravoure sur les flots - Partie II

Ce qu'il désignait fut difficile à apercevoir dans un premier temps. Alerte, Selena tourna la tête dans tous les sens, à la recherche du potentiel danger. Elle regretta aussitôt d'avoir posé les yeux dessus. La violence de l'océan l'avait intimidée, mais ce n'était rien face à l'ombre qui nageait à l'intérieur, au loin. Titanesque, effroyable et inconcevable. Le fruit d'un croisement entre un cachalot et un dinosaure, si cela était possible. Le monstre suivit le mouvement de la vague dans laquelle il se trouvait. Quand elle se brisa, son occupant sombra en même temps et rejoignit les profondeurs de la mer.

– Oh mon dieu, chuchota Selena.

– Il y en a un autre là-bas, indiqua Gabriel, la voix affectée par l'inquiétude.

Il pointait du doigt une deuxième silhouette. Celle-ci ressemblait à un têtard géant, aux pattes griffues et à la tête cauchemardesque. Malgré la distance entre ce monstre et le groupe, ses dents acérées étaient clairement visibles. Il se jeta sur une deuxième créature plus petite qu'elle. Elle l'agrippa et lui arracha le crâne à l'aide de sa gueule, la gobant sur le coup.

Selena tremblait. C'était un spectacle affreux. Les héritiers étaient semblables à des puces, comparées à eux... Si l'un de ces monstres s'intéressait à eux, ils n'auraient aucune chance.

– Je ne donne pas cher de nous si nous mettions ne serait-ce qu'un orteil dans l'eau, murmura Gabriel. Elliot, je ferais tout ce que tu voudras, mais arrêtes tes blagues, je t'en supplie.

– Si nous restons sur le chemin, tout devrait bien se passer, dit Adam.

– Si ces choses ne traversent pas le mur, ajouta Will sombrement. Nous sommes impuissants face à elles.

– Continuons, discrètement et rapidement, dit Melvin. Plus tôt nous sortirons de là, mieux ce sera.

Selena s'obstina à garder les yeux fixés sur ses pas. Pour le bien de sa santé mentale, il valait mieux que son regard croise aussi peu que possible ces créatures. Les rares silhouettes qu'elle distinguait déclenchaient systématiquement des frissons d'effrois. L'une d'entre elles, reptilienne, se dévoila dans les profondeurs, en dessous du chemin. Hypnotisée par cette vision, Selena l'observa nager et traverser leur axe, sans prendre garde au groupe. Si elle avait levé la tête, elle les aurait aperçus à coup sûr. Qu'aurait-elle fait ? Les attaquer ou s'en désintéresser ?

Plus la troupe avançait, plus les créatures se faisaient nombreuses. Selena ne pouvait plus les ignorer.

– Oh, ce n'est pas bon, ça. Pas bon du tout...

Gabriel observait avec inquiétude un monstre. Ce dernier nageait en direction du couloir, juste en face d'eux. Il s'approchait avec vitesse, ce qui permit à Selena de contempler plus distinctement ses traits horrifiques. Il ressemblait au poisson des profondeurs hideux, une lamproie, si ces souvenirs étaient bons. Les deux principales différences étaient l'absence de la petite lumière que la bête portait habituellement sur le front. Et sa taille, qui était multipliée par dix. Selena, épouvantée, s'agrippa à Adam. L'eau ne pouvait traverser la barrière invisible, mais peut-être ces choses en étaient capables ? Sa respiration se bloqua. Le poisson fut sur le point de percuter la paroi. Elle s'accroupit, les bras sur le crâne, par réflexe et cria. L'animal heurta le mur et fut aussitôt repoussé avec violence. Le choc fut intense, le bruit sourd qui en découla le prouva, mais aucune vibration ne fut ressentie à l'intérieur du tunnel. Selena expira de façon saccadée. Les créatures marines ne pouvaient pas passer. Mais la vision qui persistait était insoutenable. La bête s'était remise de la collision et s'était placée face à la paroi, à quelques mètres des héritiers. Ses dents étaient beaucoup, beaucoup trop longues, et ses pupilles noires s'agitaient dans des yeux globuleux, comme si elles tentaient de s'en évader. Le courant ne la dérangeait pas le moins du monde. Ses nageoires et son corps étaient suffisamment puissants pour y résister. Cette vue était insupportable. À tel point, que Selena pensait sérieusement à traverser l'autre côté de la barrière, uniquement pour s'écarter un peu plus de cette horreur.