À travers toi [EN CORRECTION]

21. Chercher le bonheur

Jordan

Comment fait-il pour m'apaiser ainsi ? Cet homme doit avoir une vie bien plus compliquée que la mienne, mais il est là, à tenter de me remonter le moral. Mais il n'a pas besoin de parler. Sa simple présence suffit à me redonner le courage nécessaire pour ne pas me laisser couler.

Ça fait bientôt deux mois que je suis à Boston et je me tape un sacré coup de blues. Plus j'avance et plus j'ai l'impression que la route se rallonge. Si je pouvais voir l'avenir, j'aimerai voir que je suis heureuse et bien entourée.
J'aimerai me voir, avec un boulot passionnant, un homme qui ne se moque pas de moi, ma famille à mes côtés. Savoir tout ça m'aiderait à continuer le chemin difficile de la vie jusqu'au moment où tout sera plus clair.

Je me sens seule. Énormément. J'ai la douloureuse impression que tout ceci n'est pas près de changer. J'ai beau essayer de me dire que tout va bien se passer, que je suis forte, mais la seconde d'après je laisse mes émotions m'emporter.
Toute la tension de la semaine dernière me fait suffoquer, et je me dis que cette semaine là n'était peut-être pas la pire, et que bien d'autres vont s'enchaîner. Encore et encore. Jusqu'à me faire engloutir par la dépression.

Je regarde Kyle qui me sert une tasse de thé. Je crois que je devrais prendre exemple sur lui. Il a l'air si fort malgré les circonstances. Tellement serein malgré sa tristesse visible.

- Comment tu fais ? dis-je.

- Comment je fais quoi ? dit-il souriant.

- Pour supporter cette vie ? Je vois bien que tu n'es pas heureux, même si tu montre le contraire. ..

- Je la supporte car je ne cherche pas le bonheur...

- Comment ça ? dis-je curieuse.

Kyle ne dit rien. Je vois bien que ma question le met mal à l'aise. Je descends de mon tabouret et m'approche de lui. Je saisie ses mains pour le rassurer.

- Dis-moi Kyle...

- Je ne vis que pour me punir, finit-il par lâcher doucement.

- De quoi veux-tu te punir ?

Kyle

Si elle savait comme ça me fait mal de lui avouer ce que représente mon existence à ce jour. Une punition... Je suis soulagé de ne pas voir, car je supporterais pas de voir ne serait-ce qu'une lueur de pitié dans son regard.

Mes mains dans les siennes, je me détends. Elle fini par lâcher ma main gauche. Puis, je sens qu'elle bouge près de mon visage. Mes lunettes me quittent lentement. Je me crispe soudain sur sa main qui emprisonne toujours là mienne. Mais à cet instant bien précis, cet instant magique, mon corps se ramolli et je sens toute confusion disparaître dans mon esprit. Son visage...

Je ne vois presque rien, mais ça me fait le même effet que la dernière fois, lorsqu'elle a remis mes lunettes à leur place quand Jared me les avaient subtilisé. Mon cœur rate un battement sur deux et je ne peux me retenir de poser doucement mes mains sur son visage flouté. Mes doigts tracent des lignes le long de ses joues, de son menton, de sa mâchoire, de son nez fin.
Ils voyagent ensuite sur ses lèvres pulpeuses. Je ne perçois pas la couleur de ses yeux mais je sais qu'ils ne sont ni verts, ni bleus. Non, ils sont plus foncés.
Je peux aussi maintenant certifier que Jordan est blonde car je ne vois aucune couleur autour de ce visage. Mes doigts s'entortillent sur quelques mèches pour évaluer la longueur de ses cheveux qui semblent lui arriver jusqu'aux épaules.

Jordan ne prononce plus un mot alors qu'elle me laisse prendre possession de son doux visage. Je savoure le touché de chaque parcelle de sa peau qui passe sous mes mains. Je ne veux rien oublier. Je veux juste, me souvenir de ce moment.

Jordan

Je crois qu'il me voit... J'en suis sûre en fait...
Alors qu'il délimite toutes les zones de mon visage avec ses douces mains, une larme s'échappe de mon œil pour dégringoler sur ma joue. Cet homme me bouleverse comme personne. Je lis une sorte de douleur sur son beau visage abîmé et ça me fend le cœur.

- De quoi tu veux te punir ? dis-je finalement.

Son visage se fige et ses mains me quittent. Il soupire l'air abattu.

- Viens avec moi...

Je prends la main qu'il me tend et pause ses lunettes sur le plan de travail de la cuisine. Il nous emmène dans ce qu'il me semble être un bureau.