10.♩Je veux juste vivre

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Jordan

J’ai bien fait de changer de musique. Lorsque j’ai vu seconde après seconde, que les mains de Kyle se crispaient sur ses cuisses, j’ai compris que les paroles le touchait. Et pas dans le bon sens. Moi j’aime cette chanson malgré ses paroles difficiles. J’aime la voix, les paroles, le rythme. Mais Kyle n’a pas l’air de réagir de la même manière que moi.

Je me suis souvenu  qu’il aimait Good Charlotte, et par chance, moi aussi. I just wanna live est dans ma playlist « Enjoy».
Je regarde alors sa bouche se détendre.  Je l’observe. À vrai dire, c’est la première fois que je le regarde vraiment. Sa bouche à l’air douce. Lorsqu’il souri, je le trouve très sexy. Je me surprends même à vouloir toucher sa mâchoire et sa barbe de trois jours taillée par un pro. Quand je regarde ses lunettes, je regrette de ne pas voir ses yeux. J’aimerai, voir ses yeux. Je les imagine marrons. Mais pas noisette comme moi. Marrons foncés je dirai. 

Je réalise ensuite que je me suis perdue sur son beau visage, absorbée par lui. Mais alors que je regarde par la fenêtre, je vois que nous sommes bientôt arrivés à l’arrêt de Kyle. Je coupe la musique.

- On est arrivé, dis-je doucement.

- Ok…

Il retire l’écouteur de son oreille et me le rend.

- Merci Jordan, pour la musique.

-Jo !

- Jo. À demain, ajoute-t-il avant de partir à l’avant du bus.

Le prochain arrêt est pour moi. Je décide de me mettre une dernière chanson pour terminer mon trajet, Lean on, de Major Lazer. Je préfère rester dans la playlist « Enjoy ».

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- Jim fait une petite fête demain. Tu viens ? Demande Emily.

- Pourquoi pas. Je sens qu’il va falloir que j’évacue la tension de cette semaine de merde.

- T’as raison. On se boit un verre après le boulot ? Demande-t-elle.

- Peu pas. J’ai réunion, dis-je totalement blasée.

- Pas de chance.

- Malone ! Crie Johnson de son bureau.

Emily s’éclipse en moins de deux secondes après m’avoir fait une grimace digne d’un gosse mal élevé. Je saisie mon bloc notes et un stylo et me rends dans le bureau du boss. Je frappe deux fois à la porte et attends qu’il me dise, ou plutôt qu’il me braille, d’entrer.

- Oui monsieur, dis-je d’un calme surprenant une fois à l’intérieur.

- Allez préparer la salle de réunion. Faites dix exemplaires du dossier « Forman » et déposez en un pour chacun. Pareil pour le dossier « Abrams ». Et par pitié, arrangez moi  ses cheveux !

Oh putain !  Je n’aimais déjà pas le Johnson de d’habitude, mais clairement, je déteste bien plus le Johnson « j’ai les couilles à l’envers ».

Trois baffes je disais ? Ce que ce mec mérite, c’est une rafale de claques. Allez retour en plus ! C’est quoi son problème ? 

- Bien Monsieur.

Putain ce qu’il m’agace ! J’aurai pu faire une bonne comédienne… Ou alors, je suis une putain de psychopathe à multiples personnalités qui s’ignore !
Enfin, tant que j’arrive à faire illusion au boulot, je me fou de savoir comment !

Je referme la porte en soupirant d’exaspération. Je m’arrête à mon bureau pour prendre les dossiers « Forman » et « Abrams », et pars à la salle des  photocopieuses.
Une fois les vingt copies imprimées et agrafées, je me rends aux toilettes pour vérifier l’état de ma coiffure.

Ils vont très bien mes cheveux ! Ce mec a un sérieux pète au casque ! Tu m’étonnes qu’il a divorcé quatre fois ! D’ailleurs, comment il a fait pour trouver quatre femmes qui acceptent  de l’épouser ? Enfin bref…

Je décide tout de même de défaire les épingles coincées dans ma chevelure blonde et me démêle les cheveux avec les doigts, puis rattache le tout. Je remets un peu de rouge à lèvres, réajuste mon chemisier, et sors.

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Ça fait une 1h45 que je prends des notes de tout ce qu’il se dit dans la salle. Je ne crois pas avoir déjà assisté à un truc aussi chiant. Si j’avais eu une corde sous la main, je me serai sans doute pendue pour ne plus avoir l’horreur de les écouter.

Tous les gestionnaires font un état des situations de leurs différents clients. Que ce soit des entreprises ou non. Forman et Abrams sont de nouveaux clients potentiels. Et cette réunion a aussi pour but de déterminer qui s’en occupera.

Le supplice touche à sa fin vers 22h30. Heureusement que ce con paie les heures sup’ ! J’appelle un taxi et attends qu’il arrive hors de l’immeuble. Je vais mourir si je reste là-dedans une minute de plus.

Mon taxi arrive quelques minutes plus tard. Je grimpe dedans, soulagée d’enfin quitter cet endroit.

- Bonsoir ! Beacon Hill, s’il-vous-plaît, dis-je au chauffeur.

Je m’affale dans le siège et retire mes talons. Ces trucs auront ma peau un de ces jours !
Arrivée à destination, je paie ma course et descends de la voiture, mes chaussures suspendues au bout de mes doigts. Là, tout de suite, je préfère marcher pieds nus sur le goudron que de devoir remettre mes chaussures de la mort.

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Avant, je n’imaginais pas ma vie ainsi. Bon, en même temps, quand j’étais petite, je rêvais d’être chanteuse et de faire le show comme Madonna. J’ai vite compris que ce n’était pas ça la vraie vie. J’ai abandonné mon plan « Madonna », mais les études, c’était clairement pas mon truc. Alors j’ai choisi l’option « petite secrétaire parfaite qui va sûrement se pendre avant 30 ans ». Je me disais naïvement  que si j’avais un boulot pourri mais une vie perso super transcendante, ça m’irait… Au final j’ai, un boulot de merde, un patron névrosé, un appart’ aussi petit qu’une  chambre de bonne, peu de vie sociale et un ex infidèle qui me colle aux basques. La vie de rêve quoi !
C’est trop tard pour le plan « Madonna » ?

À travers toi [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant