27. Tellement mieux

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Kyle

Installé dans le fauteuil en cuir de Williamson, je sens mes mains se crisper sur mes cuisses. Je ne sais pas si je dois lui parler de Jordan. Lui dire que je lui ai parlé de Cole, de ce jour là où j’ai tout perdu. Lui raconter cette nuit si magique que je me demande chaque seconde si je n’ai pas halluciné. La tempête fait rage dans tête une fois de plus alors que Suzane n’a toujours pas dit un mot.
Je suis fatigué par cet ouragan de douleur qui siège dans mon esprit. Éreinté par toute cette culpabilité qui me ronge.

- Qu’est ce qui ne va pas Kyle ? demande-t-elle enfin. Je vous ai rarement vu tendu à ce point. C’est à cause de lundi ?

- Lundi ? Non.

Lundi, nous serons le 22 mai. Ça fera exactement trois ans que Cole est mort. Trois ans que j’ai arrêté de vivre pour n’être que l’ombre de moi-même. Je réalise alors que cette date approche à grands pas, mais qu’aujourd’hui, ce n’est pas ça qui me met dans cet état. Non, c’est elle.

- C’est Jordan, dis-je finalement dans un soupir douloureux.

- Elle vous a rejeté ?  Si c’est ça…

- Non ! dis-je en lui coupant la parole. Bien sûr que non… C’est tout le contraire…

- Où est le problème ?  C’est plutôt une bonne chose non ?

- Jusqu’à quand ? Je lui ai tout dit… Le jour arrivera où elle verra vraiment qui je suis, et partira. Quand elle se sera rendu compte que je ne peux rien lui apporter de bon, elle me laissera. Alors pourquoi continuer ça ?

- Pourquoi êtes-vous si sûr qu’elle finira par vous abandonner ?

- Pourquoi elle resterait ? Elle mérite tellement mieux. Tellement  plus… Elle est parfaite…

- Qui vous dit que ce n’est pas vous qui êtes parfait pour elle ? Elle vous fait du bien c’est évident. Et je suis persuadée que c’est réciproque. Vous devez arrêter de vous empêcher de vivre. La vie peut parfois être dure, mais peut aussi vous surprendre. Et là, Jordan vous a surpris. Arrêtez de retenir vos émotions et lâchez prise.

- Je n’ai pas le droit…

- Vous l’aimez ?

Je ne réponds rien. Mais Williamson comprend ma réponse dans mon silence. Oui, je l’aime. Et ça me terrifie.  Oui, je suis éperdument amoureux de Jordan.  Mais je ne peux rien lui avouer. Je ne veux pas qu’elle perde son temps avec moi. Elle mérite tellement mieux.

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Assis dans le bus, je ne peux contrôler cette douleur qui grandit en moi.  J’appréhende le retour de Jordan. Je dois arrêter tout ça avant qu’il ne soit trop tard pour elle. Même si pour moi, le mal est déjà fait.  Mais je ne veux pas risquer de la faire souffrir en faisant durer ce qui semble être une relation naissante. J’aimerai tellement pouvoir être avec elle. La voir. La toucher sans plus jamais m’arrêter. L’aimer…
Je ne me pardonnerai pas si je lui faisais du mal. Je préfère souffrir à sa place en étouffant mes sentiments. La douleur est, et sera toujours, ma punition. Je ne dois pas la laisser souffrir et à ma place.

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Je repose Jared qui part avec mes lunettes alors que sa mère est toujours dehors.

- On t’a volé ta caisse ! crie Abby en entrant dans la maison.

- Mais non détends toi… Je l’ai prêté à Jordan ce matin. Elle était en retard, dis-je confus.

- Euh… répète moi ça… Jordan était là ce matin ?

Je lui fais « oui » de la tête.

- Elle a dormi là ? dit-elle excitée.

Je lui refais un signe de tête.

- Oh putain de merde ! Jared, bouche tes oreilles, dit-elle.

Abby se rapproche de moi.

- Et vous avez…

- Ouais…

- Putain de merde ! J’en étais sûre !  C’était comment ? 

- Ça n’arrivera plus, dis-je sèchement.

- Pourquoi ? C’était pourri à ce point là ?

Je ne dis rien et baisse les yeux en me repassant le film de la soirée dans ma tête. C’était tellement parfait…

- À voir ta tronche, c’était loin d’être nul. Qu’est-ce qui ne va pas ? demande-t-elle en me prenant la main.

Je soupir longuement quand on frappe à la porte. C’est elle. Je me dirige vers la porte tout penaud.

- Salut, dit Jordan sereinement.

- Salut, dis-je soudainement plus détendu.

- Je t’ai ramené ton carrosse. J’ai pas fait une seule rayure, ajoute-t-elle fièrement.

Je souris en pensant que même si elle l’avait fracassé, je ne l’aurai pas vu.
Le son de sa voix m’a instantanément envoûté. L’angoisse naissante en moi a disparu, calmée par la douce mélodie nommée Jordan Malone.

- Tu me laisses dehors ? dit-elle en riant.

- Oh… euh… Non… entre…

À travers toi [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant